L’Observatoire, les Pakistanais et les fraises
La Chronique Migrations est une revue de presse commentée sur la semaine traitant des principales actualités relatives aux questions migratoires au Maroc, et dans le monde. C’est parti !

Cette semaine, parlons du retour sur la scène publique de l’Observatoire national de la Migration (ONM), les révélations sur le drame du naufrage du bateau des pakistanais au large des côtes marocaines, et la situation des travailleurs saisonniers marocains.
Et soudain l’Observatoire !
Dans cet exercice de communication publique, les acteurs nationaux et internationaux ont pu se rencontrer et échanger leurs points de vue, sans toutefois aborder les sujets qui fâchent !
L’Observatoire national de la Migration (ONM) est une institution multipartite gérée par le ministère de l’Intérieur. Elle compte dans sa composition des universitaires, des membres de la société civile et des institutions publiques concernées par les questions migratoires. Après quatre ans d’hibernation, l’ONM revient sur la scène publique le 30 janvier dernier avec une table-ronde aux termes feutrés. La table ronde organisée par l’Observatoire national de la migration était sous le thème : « Gestion humanisée des frontières : de la gestion des vulnérabilités à l’impulsion des opportunités ». Nous savons que l’OIM Maroc accompagne l’Observatoire sur sa structuration, mais ce travail n’a jamais été rendu public ! Dans cet exercice de communication publique, les acteurs nationaux et internationaux ont pu se rencontrer et échanger leurs points de vue, sans toutefois aborder les sujets qui fâchent !
Lors de cette rencontre tenue fin janvier, les officiels marocains ont tenu des discours de satisfecit sur leur « gestion des frontières » et des « migrations » et de « la traite des êtres humains ». La seule info à retenir des dépêches de la MAP sur ce sujet, est que l’ONM existe encore. On passera sur la légitimité des acteurs de la société civile qui ont pris la parole pour débattre des questions migratoires…J’y reviendrai…
Islamabad-Casablanca ou la folie des frontières
Le drame du 15 janvier 2025 de l’embarcation transportant 86 migrants, dont 66 pakistanais, en dit long sur les frontières et leur inhumanité. Environ cinquante personnes ont perdu la vie ou sont portées disparues lors de cette traversée depuis les côtes mauritaniennes. Il a fallu l’intervention de la Marine marocaine pour sauver quelques 36 personnes dont une vingtaine de Pakistanais. Ces personnes qui ont traversé deux continents pour enfin échouer au Maroc entre les mains de trafiquants d’êtres humains.
Dans cette folie des frontières dont chaque jour comporte son lots de drames
Ce drame a mobilisé les autorités pakistanaises qui s’activent à rapatrier les survivants. La semaine passée sept sont arrivés à l’aéroport d’Islamabad, selon le journal pakistanais Dawn. Les survivants ont expliqué qu’ils avaient été victimes de violences de la part des trafiquants d’êtres humains et ont fourni aux autorités des informations sur l’identité des trafiquants. Dans cette folie des frontières dont chaque jour comporte son lot de drames, tous officiels ou acteurs dans le domaine des migrations devront faire preuve de modestie face aux échecs multiples des politiques de contrôles des frontières.
Fraise et langue de bois
Un autre officiel qui se félicite et qui manie la langue de bois. Younes Skouri, ministre de l’inclusion économique, de la micro entreprise et j’en passe (tant est pompeux le titre de son département) a évoqué la situation des travailleurs saisonniers étrangers lors de son passage à la Chambre des conseillers. A retenir de ce passage est qu’environ 40 000 Marocains et Marocaines travaillent de manière saisonnière à l’étranger. Il a expliqué que les travailleurs saisonniers marocains sont répartis entre le Royaume d’Espagne et la République française, outre un certain nombre de pays du Golfe.
Le ministre Skouri a souligné que « l’accompagnement du mouvement des travailleurs marocains à l’étranger est devenu une question fondamentale qui repose sur les droits de l’homme avant d’être une question économique ». Le ministre Pamiste reconnait l’existence de plaintes de plusieurs travailleurs, sans préciser leur nombre. Mais le discours rassurant reste néanmoins peu convaincant. Les conditions des travailleurs saisonniers marocains en Espagne comme en France, sans parler des pays du Golfe sont souvent déplorables. La situation des travailleurs de la fraise laisse toujours à désirer comme le démontrent les différentes enquêtes journalistiques, académiques ou associatives/syndicales. Mais en dépit de toute attente et de bon sens de la part d’un ministre issu d’un gouvernement patronal, qui est simultanément entrain de dissoudre le droit de grève au Maroc au profit du patronat.