Parti pris, Tribunes

Le royaume des illusions : en attendant le départ

Par Moulay Ben Silence

Ah, le Maroc ! Ce pays béni des dieux, où la mer est plus salée que les larmes de ses enfants et où la pauvreté se porte comme une seconde peau. Ici, on ne parle pas de crise économique, mais d’« État social » – une merveille d’euphémisme inventé par ceux qui n’ont jamais eu à choisir entre le dîner et le loyer. Pendant que les uns garnissent leurs comptes offshores, les autres comptent les jours avant de quitter ce paradis pour un radeau de fortune, direction l’autre rive. L’avenir ? Il flotte quelque part au large de Tanger, entre deux vagues et trois épaves.

Les jeunes, eux, ne rêvent plus qu’à l’exil. Parce qu’ici, tout ce qu’ils trouvent, c’est une carrière prometteuse… dans l’attente. Attendre un boulot qui ne viendra jamais. Attendre que le régime daigne leur jeter une miette d’opportunité. Attendre, jusqu’à ce que la seule perspective soit celle du détroit de Gibraltar. La mer, vaste terrain de jeu pour ceux qui ne croient plus aux promesses des ministres en cravate. En un sens, c’est presque poétique : la jeunesse de ce pays est comme le poisson qu’on pêche sur nos côtes – on la piétine et on la jette à la mer quand elle devient encombrante.

Et que dire de ceux qui, espérant un signe de clémence après les événements du 15 septembre 2004 à Fnideq, ont vu des bulldozers raser un quartier insalubre à Casablanca ? Ces familles, laissées à elles-mêmes, se retrouvent sans toit au moment de la rentrée scolaire, avec pour seule consolation la promesse d’un avenir radieux… dans la rue. Pendant ce temps, les grands projets énergétiques et d’infrastructures continuent de profiter aux mêmes, laissant les petites gens à leurs rêves de progrès et de dignité.

Et pendant ce temps, la répression bat son plein. Ah, la répression, ce grand sport national

Et pendant ce temps, la répression bat son plein. Ah, la répression, ce grand sport national, avec ses champions incontestés, les substituts du procureur, toujours prêts à dégainer des chefs d’accusation comme des confettis. Le système a trouvé la parade idéale : pourquoi perdre du temps avec un juge d’instruction quand un substitut peut faire l’affaire ? Procès après procès, on s’assure que ceux qui ouvrent trop grand leur bouche finissent par ne plus pouvoir l’ouvrir du tout. La démocratie ? Un concept intéressant, sans doute utile dans d’autres pays, mais chez nous, c’est un simple mot qu’on réserve aux dissertations de lycée.

Le système a trouvé la parade idéale : pourquoi perdre du temps avec un juge d’instruction quand un substitut peut faire l’affaire ?

Quant à la justice, parlons-en. Ici, elle a un drôle de visage. Elle ressemble davantage à un serpent qu’à une balance, sifflant à l’oreille des puissants tout en crachant son venin sur les pauvres diables qui ont osé, l’impudence !, réclamer un peu de dignité. Corruption ? Mais voyons, c’est un gros mot. On préfère parler d’”arrangements amicaux entre parties”. Après tout, qui n’a jamais rêvé d’offrir une petite enveloppe pour raccourcir un procès ? Dans ce pays, même la justice a ses tarifs – et ses promotions de fin d’année.

Et que dire des réseaux sociaux ? Autrefois espace de liberté, ils sont aujourd’hui envahis par des créatures fort sympathiques : les trolls en service commandé.

Et que dire des réseaux sociaux ? Autrefois espace de liberté, ils sont aujourd’hui envahis par des créatures fort sympathiques : les trolls en service commandé. Leurs passe-temps favoris ? Harceler les dissidents, saluer les grandes réalisations du régime (comme l’ajout de deux palmiers à une autoroute déjà déserte) et surtout, jouer les porte-flingues virtuels du pouvoir. À chaque critique, une avalanche de messages : “Traître !”, “Vendu !”… On pourrait presque croire qu’ils ont tous reçu une formation intensive en servilité numérique.

Mais rassurez-vous, braves gens, tout va bien. Les Chefs du « Makhzen » sont toujours debout, veillant au grain (ou à ce qu’il en reste). Pendant ce temps, ceux qui profitent du système continuent de s’empiffrer, et les autres ? Ils regardent, impuissants, la fracture sociale se creuser comme les nids-de-poule sur nos routes. Oui, cette fracture est profonde, mais rassurez-vous, elle ne fait qu’élargir les trottoirs pour les cortèges ministériels.

Alors que faire ? Continuer d’avaler notre pain rassis en silence, ou enfin oser lever la tête ? Seuls, nous sommes des cibles faciles. Mais ensemble, nous sommes une force. Ce peuple, oppressé et écrasé, a encore des figures véritables, des hommes et des femmes qui n’ont jamais vendu leur honneur pour un poste bien payé ou une médaille en chocolat. C’est autour d’eux que nous devons nous unir, parce que les temps changent. Et avec un peu de chance, ce pays aussi.

Mais bon, en attendant, je vais me taire. Après tout, je ne voudrais pas que Moulay Ben Silence finisse par parler trop fort…

Disclaimer : Les avis exprimés dans la rubrique « Tribune » ne représentent pas nécessairement les opinions du média ENASS.ma

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