[Docu]- Al Haouz, vies et morts sous les décombres

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Le vendredi 8 septembre 2023 à 23h11, un violent séisme secoue la province d’Al Haouz, l’épicentre du tremblement de terre, fauchant la vie à 1684 habitants.  De Marrakech à Ighil, épicentre de cette tragédie, l’équipe de ENASS s’est mobilisée dès le deuxième jour pour couvrir cet événement. Reportage. 

Reportage par Imane Bellamine et Anass Laghnadi

De Amimiz à Moulay Brahim, de Talat N’Yacoub à Taroudant, la tragédie a foudroyé une partie du Maroc. Nous avons visité ces lieux sinistrés, un voyage dans la douleur, celles des familles qui ont tout perdu. 

Notre voyage commence à Amizmiz dès le lever du jour, on aperçoit une maison miraculeusement debout, entourée de tas de débris qui sont maintenant les tombes temporaires de familles brisées. Un petit campement où les habitants ont improvisé des tentes avec leurs propres couvertures.  

A Talat N’Yacoub, ici l’air sent l’odeur de la mort. Les heures passent, la chance de trouver des survivants se réduit.

Notre parcours continue, à 72.3 km après le village d’Amizmiz en arrivant à Talat N’Yacoub, ici l’air sent l’odeur de la mort. Les heures passent, la chance de trouver des survivants se réduit. Des secouristes continuent de chercher des corps sous les décombres et des familles ayant enfin retrouvé les dépouilles de leurs proches, organisent des funérailles dans la discrétion. Les survivants se serrent les uns contre les autres pour un dernier au revoir.

Cap sur Ifourirene. Une mère pleure sa fille, un homme son père, et d’autres ressentent la douleur au plus profond d’eux-mêmes. Chacun comprend et accepte la douleur de l’autre sans que les mots ne soient nécessaires. Au sein de ces familles plongées dans le deuil, démunies de toit et laissées à elles-mêmes, règne une sincère solidarité.

L’horreur est à Ighil, la route reste bloquée, figée dans les séquelles du séisme la seule option est d’avancer à pied. Cette dernière étape est une marche, parcourant au moins 10 kilomètres pour atteindre le premier village de la commune d’Ighil. Une fois arrivés au premier douar, les blessés ont été regroupés sous des tentes improvisées. D’autres directement sur des couvertures sans tentes ni rien du tout. 

Dix-huit morts.Treize blessés graves, regroupés près du terrain de foot sur lequel ils ont dessiné un cercle d’atterrissage.

Trente-six heures après la tragédie, grâce à l’endurance des voisins, qui ont parcouru à pied les 16 kilomètres qui séparent Taourirt du bourg de Ifourirne, les survivants ont enfin pu recevoir des aliments. Un kilomètre plus bas, les villageois d’Imazagane semblent épuisés et frustrés. Ils ont passé cette journée à extraire des gravats leurs pères, leurs mères, leurs enfants, leurs cousins, voisins…Dix-huit morts. Treize blessés graves, regroupés près du terrain de foot sur lequel ils ont dessiné un cercle d’atterrissage, espérant qu’un hélicoptère vienne enfin s’y poser pour évacuer les blessés. Mais en vain, fallait encore attendre cette nuit pour que la route soit accessible.

Lundi matin dès les premières heures, des hélicoptères opèrent des rotations, leur destination est les villages encore plus lointains. Quelques heures auparavant, dans la nuit, des équipes ont déblayé et rendu la route bloquée auparavant accessible. Des hélicoptères chargés de matelas s’apprêtent à les lancer sur des douars excentrés. Des groupes de militaires viennent interrompre le petit déjeuner du campement à Ifourine, la Protection civile, atteint enfin les premiers villages.

Au vu de ces énormes moyens de l’Etat, les villageois ont enfin pris conscience de l’ampleur de la tragédie.

A Taourirt et Amazagane, les évacuations vont bientôt commencer. Tandis qu’a Talat N’Yacoub, un camp militaire s’y est établi et un hôpital militaire est désormais prêt à Asni. Au vu de ces énormes moyens de l’Etat, les villageois ont enfin pris conscience de l’ampleur de la tragédie. Ils sont les victimes, témoins, survivants de la plus grande catastrophe naturelle au Maroc depuis soixante ans. Soixante ans qui sonnent comme un rappel de la durée du sous-développement que subissent ces vastes zones du pays. Comme nous l’ont dit les habitants rencontrés, grâce ou à cause de ce tremblement, nous existons finalement sur la géographie du Maroc.

Le coût humain de cette prise de conscience est exorbitant : 3000 morts et des milliers de blessés. 

Le coût humain de cette prise de conscience est exorbitant : 3000 morts et des milliers de blessés.   

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