Traduire la Palestine avec Abdellatif Laâbi (I)

1 la poesie palestinienne de combat

Depuis 1969, Abdellatif Laâbi n’a cessé de faire connaître les voix des poètes palestiniens en les traduisant en français. Relecture urgente en trois volets. Premier volet : les anthologies.

Abdellatif Laâbi

1969 : La poésie palestinienne de combat paraissait aux éditions Atlantes, créées à Rabat dans le sillage de la revue Souffles, qui venait de consacrer un numéro spécial à la Révolution palestinienne et entamait un tournant vers un engagement plus ouvertement politique. Cette première anthologie a été reprise l’année suivante chez P.-J. Oswald en France. La cause palestinienne était l’emblème des luttes révolutionnaires, et après la guerre de juin 1967, les poètes palestiniens, « réfugiés palestiniens en Palestine », ne portaient pas seulement une voix singulière, mais un combat national, un combat inséparable du « mouvement général de libération des peuples opprimés ». Abdellatif Laâbi a alors traduit Mahmud Darwich, Samih Al Qassim, Tawfiq Az-Zayad, Fadwa Touqan… Ce livre avait fait date, car jusqu’alors, presque rien n’était traduit en français.

1990 : Abdellatif Laâbi propose une nouvelle anthologie, La poésie palestinienne contemporaine, chez Messidor, qui sera réédité chez Le Temps des Cerises et la Maison de la poésie Rhônes-Alpes en 2002. L’ouvrage, malheureusement épuisé, est sous le signe de la perte : « Les poètes palestiniens ne peuvent écrire qu’avec ce qu’on leur a usurpé. Le monde est pour eux celui qu’ils ont à réinventer en partant de ce qu’il y a de plus enfoui et de plus douloureux en eux ».

1991 : Abdellatif Laâbi rejoint ici les recherches de Jocelyne Laâbi, son épouse, sur le patrimoine oral. Dans Les oiseaux du retour, paru chez Messidor-La Farandole dans la collection Parolimages, tous deux rassemblent, traduisent en français et présentent, en arabe et en français, les contes de Zine al-Abidine Al-Hussaïni, Layana Badr, Mou’in Bsissou, Tawfiq Fayyad, Ghassan Kanafani, Yahia Yakhlef et Tawfiq Zayyad. À consulter en bibliothèque ou à dénicher chez vos bouquinistes préférés.

2022 : Cette 4e anthologie, établie avec le poète et écrivain Yassin Adnan et parue chez Points Poésie, vient rompre le silence et « donner de la voix contre le déni et l’organisation de l’amnésie, redonner une voix à celles et ceux qui vivent aujourd’hui dans la pénombre de l’impasse, presque invisibles, en tout cas inaudibles ». Il s’agit de faire, là encore, acte de présence dans cette cause « devenue en soi une poétique », en célébrant la nouvelle génération, née dans les années 1970 et dispersée dans le monde. Abdellatif Laâbi célèbre la force de leurs voix, pour dire la sensualité, l’humour, l’inquiétude, la solitude…, et les mots d’Ashraf Fayad, qui a passé 8 ans dans les prisons saoudiennes pour sa voix libre :

« Être sans pays
veut nécessairement dire être palestinien
Être palestinien
ne signifie qu’une chose :
que le monde entier est ton pays ».

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

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