Prisonniers politiques : Récit d’une soirée de liberté
En cette nuit du 29 juillet 2024, de nombreux geôles au Maroc ont ouvert exceptionnellement leurs portails pour libérer une quarantaine de prisonniers politiques dont des journalistes. Récit d’une soirée inattendue.

Reportage Imane Bellamine, Anass Laghnadi et Salaheddine Lemaizi
À l’approche de la Fête du trône cette année, les rumeurs et spéculations allaient bon train sur une éventuelle grâce royale au profit de journalistes. Après plusieurs années d’attente, les familles des prisonniers politiques avaient perdu espoir de retrouver leurs détenus en liberté. Cette année, les différentes initiatives menées par le CNDH ou des personnalités publiques dont Me Mustapha Ramid semblaient aboutir à une relaxe des principaux noms en détention : Taoufik Bouaâchrine, Soulaiman Raissouni et Omar Radi.
Après plusieurs années d’attente, les familles des prisonniers politiques avaient perdu espoir de retrouver leurs détenus en liberté.
En route vers les prisons
Dès l’après-midi du 29 juillet, l’information se confirme. Dès 16h, la famille du prisonnier politique et journaliste Omar Radi se dirige vers la prison locale de Tifelt 2 où est détenu son fils depuis deux ans. « J’y allais mais sans trop y croire tellement nous avons vécu des émotions contrastées durant plusieurs années dans les dossiers de Hirak ou Raissouni et Radi », confie un membre d’un des comités de soutien qui s’est rendu à la Prison locale de Tifelt.
Dès l’après-midi du 29 juillet, l’information d’une grâce royale se confirme.
À 19h, le communiqué officiel de la grâce royale tombe. Le document ne précise pas les noms des personnes graciés, mais certains médias obtiennent les noms des premiers graciés dont Radi, Raissouni, Bouâchrine, Taoujni et la liste est longue.

Le premier a quitté la prison est Soulaiman Raissouni. Vers 20h30, le journaliste vedette sort de la prison d’Ain Borja à Casablanca. Ce qui était inattendu et inespéré se produit, le Maroc des libertés retrouve ses journalistes, blogueurs et activistes. Les voix critiques retrouvent leurs familles, les Exilés sont aussi graciés, les poursuivis en liberté provisoire voient aussi les poursuites à leur encontre annulés. La grâce est générale et bienvenue.
Omar, Said et les autres sont libres
Vers 21h15, à l’entrée de la Prison locale de Tifelt, des silhouettes de plusieurs hommes brisent la pénombre devant ce centre pénitencier de haute sécurité. On repère Omar Radi, visage souriant comme toujours. Egalement parmi les personnes qui quittent la prison, Said Boukyoud, marocain résident au Qatar condamné pour des propos critiques sur Facebook au sujet de la décision de la normalisation avec le sionisme et condamné à 5 ans de prison ferme. Parmi les personnes libérées de Tiflet d’autres jeunes hommes poursuivis suite à des écrits et contenus critiques sur les réseaux sociaux.
Omar Radi est accueilli par sa famille, ses camarades et des journalistes de médias nationaux et internationaux. Ses premiers mots : « Cette grâce royale est un acte à saluer, je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenu. Mes premiers mots vont à mes parents qui ont été toujours présents pour moi et pour l’ensemble des prisonniers politiques », déclare-t-il.
« Mes premiers mots vont à mes parents qui ont été toujours présents pour moi et pour l’ensemble des prisonniers politiques ».
Tout au long de la soirée d’autres prisonniers politiques dans différentes villes marocaines quitteront les geôles : Casablanca, Kenitra, Rabat, Safi, Agadir, etc. Une grâce qui concernera aussi des Marocains exilés à New York, Paris ou Berlin.
Large grâce royale

Dans un communiqué le ministère de la Justice et à l’occasion de la Fête du Trône de cette année 2024, le roi Mohammed VI, « a bien voulu accorder Sa Grâce à un ensemble de personnes condamnées par différents tribunaux du Royaume. Ces personnes sont au nombre de 2.476 et se présentent comme suit:
Les bénéficiaires de la Grâce Royale qui sont en détention sont au nombre de 2.278 détenus se répartissant comme suit:
– Grâce sur la peine d’amende et le reliquat de la peine de réclusion au profit de 171 détenus.
– Grâce sur le reliquat de la peine de réclusion au profit de 02 détenus.
– Remise de la peine d’emprisonnement ou de réclusion au profit de 2.090 détenus.
– Commutation perpétuelle en peine à temps au profit de 15 détenus.
* Les bénéficiaires de la Grâce Royale qui sont en liberté sont au nombre de 182 personnes se répartissant comme suit :
– Grâce sur la peine d’emprisonnement ou son reliquat au profit de 45 personnes.
– Grâce sur la peine d’emprisonnement avec maintien de l’amende au profit de 09 personnes.
– Grâce sur la peine d’amende ou son reliquat au profit de 121 personnes.
– Grâce sur la peine d’emprisonnement et d’amende au profit de 07 personnes.