Années de plomb : En attendant la vérité…
Les victimes des disparitions forcées et arbitraires durant les Années de plomb se sont réunies pour renouveler leur exigence de vérité et justice. Les détails.
Le 7 septembre à Casablanca, il y avait du plomb dans l’air. Des témoins directs et des victimes des violations commises par le régime répressif de Hassan II se sont réunis pour un moment de commémoration et surtout de revendication. D’anciens détenus et des représentants des familles d’anciens prisonniers de Tazmamart, d’Ahermoumou, de Moulay Bouâza, d’Ila Al Amam ou encore de Juin 81 à Casablanca se sont réunis pour commémorer la Journée Internationale pour la Protection de toutes les Personnes contre les disparitions forcées.
L’annonce par le Conseil national des droits humains du début des analyses de l’ADN pour le cimetière illégal de Tazmamart.
Cette rencontre s’est tenue à l’initiative de l’Association médicale pour la réhabilitation des victimes de violences et d’abus (AMRVA), en collaboration avec le Comité de Coordination des Familles de personnes enlevées et disparues au Maroc au sein du Forum marocain pour la vérité et justice (FMVJ). Principale nouveauté cette année : L’annonce par le Conseil national des droits humains (CNDH) du début des analyses de l’ADN pour le cimetière illégal de Tazmamart. Une mesure saluée mais critiquée.
L’annonce saluée et critiquée par les ONG et les victimes de Tazmamart.
153 personnes disparues
« Cette rencontre est l’occasion pour nous de renouveler l’engagement de poursuivre la lutte pour l’éradication définitive de ce phénomène et une solution juste et équitable pour toutes ses victimes », explique Dr Abdelkarim Manouzi, président de l’AMRVA et dont la famille a souffert de la disparition de deux membres de leur famille durant les Années de plomb.
Lors de cette rencontre, les différents représentants de chaque dossier ont fait le point sur l’état d’avancement du processus d’identification des corps ou ceux relatifs à l’indemnisation financière ou administrative des victimes ou des ayant droits. Selon le point de vue de l’AMRVA et des représentant du Comité des familles beaucoup restent à faire.
« La recherche de la vérité sur de nombreux cas de disparitions forcées reste inachevée ».
Dr Manouzi
« La recherche de la vérité sur de nombreux cas de disparitions forcées reste inachevée, puisque les cas en suspens comprennent ceux inclus dans le rapport de l’Instance Equité et Réconciliation (IER), cette dernière ayant maintenu la recherche ouverte, notamment les cas de Mehdi Benbarka, Houcine Manouzi, Abdelhak Rouissi, Ouzzane Belkacem, Omar El Ossouli, notre collègue médecin, le Dr Mohamed Islami », rappelle Dr Manouzi dans son allocution d’ouverture. Les lieux de sépulture d’une grande partie des victimes de disparitions forcées et disparues sont toujours inconnus, de même que la divulgation des résultats ADN des familles des victimes. Le sort de plus de 153 personnes est toujours inconnu selon les données du rapporteur spécial onusien sur les disparitions forcées.
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Appel pour la libération des prisonniers politiques
L’AMRVA apporte ses critiques au Mécanisme National de Prévention de la Torture. « C’est un pas positif dans la bonne direction, mais nous regrettons que les demandes du mouvement des droits humains n’aient pas été prises en compte, notamment en ce qui concerne l’indépendance de l’institution par rapport aux autres organes et sa dotation en ressources humaines et matérielles afin de garantir son efficacité », insiste Dr Manouzi.
Et de poursuivre : « Il est nécessaire d’ouvrir un large débat sur le mécanisme national pour garantir son indépendance et son efficacité dans notre pays. Nous savons très bien que le Maroc a connu des décennies de répression féroce des opposants politiques et que l’État a eu recours à la torture et aux enlèvements à grande échelle. Cela a fait un grand nombre de victimes directes et indirectes qui ont été gravement affectées physiquement et psychologiquement ».
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Lors de cette rencontre, l’AMRVA et le Comité des familles ont appelé à la libération des prisonniers politiques. « Nous appelons aux responsables gouvernementaux à faire preuve de plus de courage et de volonté politique pour libérer tous les prisonniers politique dans notre chère patrie et pour travailler à la résolution finale du dossier des personnes enlevées dont on est sans nouvelles, en réagissant positivement aux demandes du mouvement des droits humains », exigent les participants.