MIGRATIONS, Reportages, UNE

Protection sociale et migrations : « Tout reste à faire »

L’Observatoire marocain de la protection sociale (OMPS), ouvre le débat sur la place des personnes en migration dans le nouveau système de protection sociale. Les syndicats marocains ont été invités à exposer leurs visions sur ce sujet encore délaissé par ces organisations des travailleurs. 

C’est dans la capitale marocaine de l’immigration que cette rencontre s’est tenue. La ville du Détroit de Gibraltar, carrefour des travailleurs de tous les pays, a reçu militants des droits humains, universitaires, syndicalistes, et experts de la protection sociale pour un débat de deux jours, 25 et 26 octobre 2024.        « Nous souhaitons ouvrir un débat fructueux et productif avec des partenaires sociaux et organisations professionnelles sur la protection sociale des personnes migrantes au Maroc », explique Kamal Lahbib, représentant l’Observatoire marocain de la protection sociale (OMPS). Cette rencontre tenue en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert a permis d’enclencher un débat nécessaire  pour faire un état des lieux sur  cette question. 

De ces travaux, une principale conclusion émerge : La nécessité de « surmonter les obstacles d’ordre juridique, réglementaire et administratif et les problématiques liées à l’accès limité aux composantes de la protection sociale, le chômage, le travail informel, la discrimination et l’exploitation pour les personnes migrantes ». Les participants ont proposé des recommandations pour développer et améliorer la protection sociale des personnes en migration. « Nous menons ces discussions  par respect à nos principes : la défense de l’Etat de droit l’avancement de  la démocratie dans le pays », rappelle Kamal Lahbib, de l’OMPS.  

« Le chantier global de la protection sociale pose plusieurs problèmes pour les personnes en migration »

 « La question migratoire est fondamentale pour l’avenir de nos sociétés. Le chantier global de la protection sociale pose plusieurs problèmes pour les personnes en migration », lance d’emblée Kamal Lahbib de l’OMPS et d’ajouter : « La bataille à mener est de faire émerger des forces sociales en mesure de porter des propositions pour intégrer ce volet dans la politique publique actuelle de la protection sociale ». 

Engagements internationaux et nationaux

La protection sociale constitue un droit fondamental régi par une combinaison de conventions internationales, de lois nationales et d’accords bilatéraux. Le Maroc a ratifié un grand nombre de ces conventions internationales. 

Sur le plan des lois nationales, plusieurs textes obligent l’Etat à assurer l’accès à la protection sociale aux personnes étrangères et ce  qu’elle que soit leur statut administratif. « La constitution réaffirme dans son préambule son attachement aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus, et s’engage à souscrire aux principes, droits et obligations énoncées dans les chartes et conventions des organisations internationales », rappelle l’OMPS. 

Cet accès est régulé aussi par des textes spécifiques comme le Code du travail qui régit les conditions de travail et les droits des travailleurs y compris les travailleurs migrants. Il couvre les aspects tels que les contrats de travail, les salaires, les congés, la sécurité au travail et la protection contre le licenciement. La loi sur l’immigration no 02/03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières régit les conditions d’entrée, de séjour et de travail des étrangers. Les dispositions du dahir no 1.72.184 du 27 juillet 1972 relatif au régime de sécurité sociale permettent aux personnes migrantes de bénéficier notamment au même titre que les marocains de la couverture de maladie, des allocations familiales et des pensions de retraite. La mise en œuvre de ce cadre juridique est entravée par plusieurs difficultés, particulièrement l’absence de documentation (titre de séjour) des personnes en migration. 

Etat des lieux : « Tout reste à faire »

« Malgré les efforts entrepris par les autorités publiques pour protéger socialement les personnes migrantes au Maroc, des obstacles continuent d’entraver l’intégration de ces personnes dans la société marocaine ». 

« Malgré les efforts entrepris par les autorités publiques pour protéger socialement les personnes migrantes au Maroc, des obstacles continuent d’entraver l’intégration de ces personnes dans la société marocaine », constate l’OMPS. 

L’Observatoire énumère quatre raisons de ce blocage. Le premier et principal obstacle est « l’accès au travail qui reste difficile pour les personnes migrantes, qu’elles soient  en situation régulière ou irrégulière pour diverses raisons ». 

Le deuxième obstacle est le suivant : « Les personnes migrantes au Maroc n’ont pas accès au droit à la sécurité sociale et au logement et ce en contradiction avec les articles 27 et 28 (sécurité sociale et accès aux soins de santé) ainsi que l’article 61 (accès au logement) de la convention sur les droits des travailleurs migrants et les  membres de leur famille ». 

Le troisième obstacle concerne le non accès « au regroupement familial qui est entravé par le comportement et les conditions supplémentaires imposées par l’administration ». Le quatrième obstacle couvre l’ensemble de la population qui a une grande difficulté à accéder aux soins, ce qui met le service public de la santé, sous grande pression. 

Le ministère de la Santé et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont préparé une stratégie nationale pour la santé des migrants. Cette  de route demeure limitée par ces moyens. L’absence d’inclusion des migrants dans le RAMED et aujourd’hui non plus dans l’AMO constitue un obstacle à la protection sociale. Pour pallier à ces obstacles, le Haut-commissariat aux réfugiés au Maroc table sur le secteur associatif pour faciliter l’accès aux réfugiés et demandeurs d’asile. 

Pour sa part et pour faire avancer ce chantier, l’OMPS table sur la mise à niveau du Maroc avec les conventions internationales signées, et surtout sur l’engagement des centrales syndicales les plus représentatives et la CGEM qui ont signé en mars 2022 une charte qui consiste à protéger les droits des travailleurs migrants et réfugiés et leur membre de famille pour renforcer et institutionnaliser le dialogue social sur les conditions et revendications des travailleurs migrants au Maroc. « Le contact doit être maintenu avec les syndicats et les organisations de la société civile sur ce dossier. Le dialogue avec les syndicats n’est pas évident sur cette question, mais c’est un travail de longue haleine », conclut Kamal Lahbib, de l’OMPS. 

Santé et éducation, un accès irrégulier pour les migrants

Inscrivez-vous à la Newsletter des Sans Voix 


Contre l’info-obésité, la Newsletter des Sans Voix 

Un slowjournalisme pour mieux comprendre 


Allez à l’essentiel, abonnez-vous à la Newsletter des Sans Voix