Un collectif défend « Les droits culturels »
À thème spécial, dispositif spécial. Le nouvel ouvrage collectif de la maison d’édition En Toutes Lettres, traite des droits culturels. Vaste entreprise intellectuelle qui a mobilisé dix neuf autrices et auteurs issus de dix pays et quatre continents. Présentation.

« Permettre la reconnaissance, dans leur pleine dignité, des cultures endogènes et des patrimoines intérieurs dont chacun.e est porteur.se ».
Les droits culturels à l’œuvre, la personne au cœur est un « ouvrage collaboratif » coordonné par Danielle Pailler paru fin 2024 chez la maison d’édition casablancaise En Toutes Lettres. Son objectif principal : « Permettre la reconnaissance, dans leur pleine dignité, des cultures endogènes et des patrimoines intérieurs dont chacun.e est porteur.se dans de complémentaires et fertiles dialogues entre les enjeux de démocratisation et de citoyenneté culturelles pour mieux faire humanité : telle est la finalité du référentiel des droits culturels des personnes que cet ouvrage défend », peut-on lire dans l’introduction de l’éditeur. Pailler a réuni artistes, acteurs et actrices, citoyen.nes et chercheur.es d’horizons disciplinaires et géographiques multiples, pour offrir en partage défis et méthodes afin de mettre en œuvre ce référentiel.
Un ouvrage polyphonique
Pailler démarre son introduction par une série d’interrogations : « Comment ainsi identifier, valoriser, légitimer les ressources culturelles en présence, infinies, endogènes, présentes dans les personnes, au cœur des territoires ? », s’interroge-t-elle en préambule de l’ouvrage.
« Dialogue dans une vision de complémentarité, ce qui relèverait de la culture savante et de la culture populaire ».
Dans son introspection, elle se demande « comme alors mettre en dialogue dans une vision de complémentarité, ce qui relèverait de la culture savante et de la culture populaire, en interrogeant les lignes de césure qui les confronteraient ? ».
Cet ouvrage aux multiples enjeux et perspectives, vise à « créer les conditions d’un fertile dialogue et une circulation des différentes formes de culture pour dépasser les oppositions, notamment entre les enjeux de démocratisation et de citoyenneté culturelles », répond la chercheure. Cette dernière s’attache à la notion de « culture endogène » qui serait la matrice des droits culturels.
« Générer des discussions en dialectique, pour considérer ensemble le pouvoir que pourrait générer ce paradigme quand celui-ci est mobilisé pour agir ».
Cet ouvrage polyphonique « offre ainsi un espace de mises en partage de phares conceptuels, d’engagements de visions, d’actions, de convictions nées dans les corps et pensées des contributeurs afin de dépasser le flou conceptuel dont le référentiel des droits culturels des personnes reste entouré », explique Pailler. D’ajouter : « Il s’agit de générer des discussions en dialectique, pour considérer ensemble le pouvoir que peut générer ce paradigme quand il est mobilisé pour agir, expérimenter, apprendre avec l’erreur considérée dans son pouvoir réflexif ».
Ce dialecte est l’œuvre d’auteurs/trices de profils très variés. Serhan Ada spécialiste du management culturel côtoie la palestinienne Yara El- Ghadban, romancière et anthropologue. Ali Essafi, réalisateur de documentaires, partage l’espace du livre avec Sabrina Kamili spécialiste de l’accompagnement des entreprises. Elias Khrouz, avocat et juriste, discute à distance avec Driss Ksikes, écrivain et dramaturge. Une richesse de profils qui permet de lire cet ouvrage dense en plusieurs entrées et selon les différentes géographies et disciplines qui animent ce sujet complexe et insaisissables, mais au fil des pages, le lecteur découvre que les droits culturels sont « dans sa peau », au quotidien, populaire…
Les droits culturels à l’oeuvre, la personne au coeur | collectif coordonné par Danielle Pailler | octobre 2024 | 356 pages | 95 DH / 20 €. Pour commander :
Sommaire :
- Faire œuvre des droits culturels des personnes – Danielle Pailler
Un plaidoyer en dix balises pour la mise en oeuvre des droits culturels, en liant enjeux conceptuels et méthodologiques.
- La culture, ma mère !… – Ali Essafi
Pour revaloriser la culture populaire orale, souvent discréditée par une élite intellectuelle postcoloniale.
- Des droits culturels au droit à la culture – Serhan Ada
Les droits culturels, une approche plus orientée vers l’équité.
- Droits culturels au Maroc et prise en compte incertaine du choix des individus – Elias Khrouz
Les dispositifs juridiques encadrant au Maroc la question des droits culturels.
- Protéger les sciences humaines sociales critiques et ceux qui les défendent : droits des savoirs, droits culturels, solidarités épistémiques – Joëlle Le Marec
La place des sciences humaines et sociales au sein des droits culturels.
- Qui a le droit de créer ? Les pratiques des personnes en situation de migration entre stigmatisation et résistance – Rosaria Ruffini
Le droit à l’expression artistique des personnes en situation de migration, comme droit à la vitalité et à la résilience.
- Les cultures locales entre mépris et valorisation – Mohamed Oubenal
L’histoire de la minoration des cultures amazighes, depuis la colonisation et après l’indépendance.
- La Maison de l’oralité au Maroc : réveil d’une mémoire collective – Loubna Mouna, propos recueillis par Danielle Pailler
Les bienfaits et les défis du travail de revalorisation, de partage et de reconnexion autour d’un héritage et d’un patrimoine communs.
- Urgence : préserver un trésor national – Brahim El Mazned
L’importance de la valorisation, de la récupération et de la préservation du patrimoine culturel marocain immatériel.
- Apprendre, désapprendre puis avancer : les quêtes et conquêtes issues de 15 années d’action culturelle au Maroc – Dounia Benslimane
L’aventure de l’association Racines pour la culture, depuis sa création jusqu’à son interdiction.
- Repenser le rôle et la place de la culture dans le quartier : Projets culturels Talguit’art et Talweek-End au quartier de Talborjt-Agadir (Maroc) – Zohra Makach
À travers des projets culturels hors les murs, le refus de l’entre-soi et la volonté de mettre en dialogue acteurs culturels et publics.
- DreamSeeders : le changement est une graine qui germe de l’intérieur – Nazik Moudden
Les enjeux de la création de projets culturels et éducatifs en milieu rural, compte-tenu des données socioéconomiques et des attentes des citoyen.nes.
- Un pas (de plus) vers le lecteur africain – Ange Mbelle
Démocratiser et revaloriser le livre au Cameroun.
- Lire donne des ailes – Corinne Fleury
L’histoire de la maison d’édition l’Atelier des Nomades, entre l’île Maurice et la France, qui promeut une littérature garante d’un patrimoine et d’une identité et outil de résistance face aux inégalités culturelles.
- À qui incombe le rôle d’aller vers l’autre – Sabrina Kamili
Le témoignage d’une actrice culturelle et entrepreneure, pour dépasser les automatismes techniciens et réintégrer l’écoute.
- Les droits culturels et la place de l’imaginaire – Driss Ksikes
Plaidoyer pour l’imaginaire au sein des droits culturels, comme expression libre de la subjectivité et de l’individualité de chacun.
- Rendre aux personnes la conscience de leurs savoirs (titre provisoire) – Carpanin Marimoutou
Récit d’une expérience d’enseignement du tamoul à des créolophones de La Réunion pour reconstituer un sentiment de dignité et de fierté.
- Que fleurissent nos têtes et nos corps. Pour une culture émancipatrice : l’expérience constitutionnelle au Chili – Paulo Slachevsky
L’importance du savoir et de la démocratie culturelle dans le contexte du Chili, face aux rapports de domination.
- La littérature est un miracle – Yara El-Ghadban
La culture, fédératrice, protectrice, et susceptible de construire, pour la Palestine, un espoir de paix.