Féminicides au Maghreb : L’urgence de l’action collective
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, EuroMed Droits et soixante organisations de la société civile dans la région MENA ont publié un appel urgent pour mettre fin aux féminicides dans la région. Les détails.

Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, EuroMed Droits a rendu public un document de position signé par soixante et une (61) organisations marocaines, algériennes, tunisiennes et de toutes la région MENA du Maroc à la Palestine sur la question des féminicides dans les pays du Maghreb.
L’impunité systémique
Ce texte souligne que ces crimes, loin d’être des faits divers, s’inscrivent dans un système de violence patriarcale systémique, où l’incapacité des États à protéger les femmes expose ce fléau à une persistance tragique.
Ce document révèle l’ampleur du phénomène au Maghreb et dans toute la région, dénonçant « l’impunité systémique et les failles législatives qui perpétuent ces violences extrêmes ». Dans un contexte où les féminicides ne connaissent aucune frontière, ce rapport se fait le porte-voix des mouvements féministes de la région euro-méditerranéenne, appelant à une mobilisation générale pour en finir avec cette violence qui touche chaque jour des milliers de femmes.
Un tableau alarmant de la situation
Les chiffres concernant les féminicides en Afrique du Nord et au Moyen-Orient sont difficiles à établir précisément, notamment en raison du manque de données officielles fiables. Pourtant, les estimations sont sans appel : en 2023, l’Afrique a été la région la plus touchée par ces crimes, avec 21 700 femmes tuées par un membre de leur famille ou un partenaire intime. Une situation qui se dégrade également en Turquie, où 299 féminicides ont déjà été recensés au début de l’année 2024.
Les organisations féministes dénoncent l’impunité systématique qui entoure ces actes et exigent une réforme législative. En Égypte, par exemple, la violence sexiste est qualifiée de « crise sanitaire » par les médias, tandis qu’en Jordanie, les meurtres « au nom de l’honneur » sont encore largement tolérés par la justice. Le système judiciaire jordanien continue d’appliquer des peines réduites pour les hommes tuant leurs compagnes sous prétexte d’adultère, une pratique qui perpétue la culture de l’impunité.
Une mobilisation transnationale : « Maghreb sans féminicide »
Face à cette situation alarmante, EuroMed Droits soutient la création de l’initiative « Maghreb Sans Féminicide », un espace de lutte féministe transnational qui réunit associations et collectifs engagés contre ces crimes en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Lancée en 2023, cette dynamique vise à briser le silence qui entoure les féminicides et à créer une réponse collective et coordonnée face à ce fléau.
Ce papier de position met en lumière que les féminicides au Maghreb ne sont pas des actes isolés mais sont ancrés dans des inégalités structurelles et la réduction de l’espace civique. Il souligne également l’impact des mouvements anti-droits humains dans la région, où les régimes autoritaires exploitent la culture, la religion et le nationalisme pour remettre en question les droits des femmes.
Un appel urgent à l’action des gouvernements
Le document de position appelle les gouvernements des pays de la région à reconnaître le féminicide comme « un crime distinct et à aligner leurs législations sur les normes de la Convention d’Istanbul ». Il exige également « que l’Union européenne place la lutte contre les féminicides au cœur de sa coopération avec les pays du Sud de la Méditerranée ».
Il est primordial que ces efforts aillent au-delà des engagements symboliques et aboutissent à des actions concrètes. En effet, les lois existent souvent, mais leur application reste insuffisante. Le rapport appelle à une révision des législations et à des mesures efficaces de protection des victimes pour garantir que les auteurs de violences soient effectivement traduits en justice.
Adopter des plans nationaux de lutte contre les féminicides.
Des recommandations pour mettre fin à l’impunité
Inscrire le féminicide dans les codes pénaux nationaux, le distinguant ainsi des autres homicides.
Les recommandations d’EuroMed Droits et des signataires pour lutter contre les féminicides au Maghreb sont nombreuses et variées. Nous pouvons citer :
Renforcer les dispositifs de protection des victimes et améliorer l’application des lois existantes.
- Adopter des plans nationaux de lutte contre les féminicides.
- Inscrire le féminicide dans les codes pénaux nationaux, le distinguant ainsi des autres homicides.
- Renforcer les dispositifs de protection des victimes et améliorer l’application des lois existantes.
- Former les professionnels de la justice, les forces de l’ordre et les médias aux violences basées sur le genre.
- Ratifier la Convention d’Istanbul pour renforcer la coopération internationale.
Former les professionnels de la justice, les forces de l’ordre et les médias aux violences basées sur le genre
Ces mesures doivent être accompagnées d’un financement adéquat et d’une révision des procédures judiciaires pour garantir la sécurité des femmes et une justice équitable pour les victimes.
Retrouvez le document de position et la liste des signataires ici (en ligne)