
L’Association Al Wasl, composée de Marocains du Monde, relance le débat sur la place de ces 6 millions de Marocains au sein du système politique marocain et l’accès au droit de vote dans les pays d’installation. Compte-rendu.

Le 22 juillet à la Maison des avocats de Casablanca, le public ne se pressait pas pour trouver une place lors de la rencontre prometteuse de l’Association Al Wasl sur le thème : « Marocains du Monde et nouveau contrat social ». Un manque d’intérêt de la part des acteurs associatifs et politiques marocains sur le sujet des Marocains du Monde (MdM), c’est l’hypothèse de Abdelaziz Saret, président du Forum Maroco-Belge pour la coopération, le développement et la solidarité : « Même les organisations progressistes ont délaissé le dossier des MdM et leurs revendications légitimes », estime-t-il, avec le recul. La rencontre a réuni universitaires, acteurs de la société civile des MdM en Europe. Le constat est sans appel : « L’accès à la pleine citoyenneté s’éloigne d’année en année ». Les acteurs présents appellent de leurs vœux à réinventer leur stratégie de plaidoyer pour faire appliquer les acquis constitutionnels de 2011. Cette rencontre a tenté de redynamiser ce débat.
Droit de vote et un report à l’infini
Salaheddine El Manouzi, président l’Association Al Wasl rappelle que cette « réflexion sur cette nouvelle approche sous l’angle de la citoyenneté pour contribuer à la formulation des termes d’un nouveau contrat social fondé sur la reconnaissance d’un vrai statut de citoyens aux Marocains du Monde », annonce-t-il lors de son mot d’ouverture. La Constitution de 2011 a confirmé la diversité des composantes de la société marocaine, dont fait partie à part entière les MdM. Les articles 16, 17, 163 et 171 consacrent la place des MdM. Pourtant : « Douze ans après l’adoption de la Constitution, le débat sur la mise en œuvre de nouveaux droits constitutionnels des Marocains du Monde est toujours ouvert ».
Le poids économique des MdM devient central pour l’économie marocaine
En parallèle, le poids économique des MdM devient central pour l’économie marocaine. « Plus de 6 millions de citoyens marocains vivent et travaillent sur les 5 continents. Leur apport à l’économie locale et nationale est indéniable. Plus de 109 milliards de DH de transfert annuel en 2022, avec une nette tendance à l’augmentation en 2023. Cet apport prouve à lui seul l’attachement indéfectible de cette population à son pays d’origine », insiste El Manouzi.
« La nouvelle loi fondamentale a constitutionnalisé la participation politique et la démocratie participative pour les MdM ».
El Manouzi
« La nouvelle loi fondamentale a constitutionnalisé la participation politique et la démocratie participative pour les MdM, mais celle-ci est reportée à l’infini. Le discours royal du 20 août 2022 a mis en relief les dysfonctionnements de l’action gouvernementale vis-à-vis des MdM, il a préconisé la révision générale des politiques publiques les concernant et la refonte du cadre institutionnel », rappelle le président de l’Association Al Wasl
Générations et constantes
Lors du premier panel de cette rencontre, les participants ont été unanimes à exiger l’accès à la participation politique. « Il faut reconnaître la pleine citoyenneté des Marocains. Il faut activer le droit de vote et de candidature pour les MdM », exige Mohamed El Moubaraki, président du Parlement de la migration marocaine, une structure associative pour pallier à l’absence de représentativité des MdM au niveau institutionnel au Maroc.
Abdelaziz Saret, président du Forum Maroco-Belge pour la coopération, le développement et la solidarité estime dans son diagnostic que le problème dépasse la question de la participation politique. « Il s’agit de l’absence d’une institutionnalisation de l’accès aux droits de la diaspora marocaine. On doit dépasser la politique des sentiments pour s’inscrire dans une politique institutionnelle. Les choix doivent prendre en compte les changements actuels que connaissent la 3ème et 4ème génération qui n’ont pas le même rapport à la nation et aux constantes nationales. Il faut dépasser ce slogan idéologique de Tamaghrabit pour insister sur un récit national qui comporte l’histoire de la migration marocaine, son rôle politique et démocratique ». Saret rappelle que l’accord OCDE-Maroc sur les échanges des données fiscales est une illustration de la non-prise en compte des enjeux des MdM dans les politiques publiques.
Pour sa part Abdallah Saâf, professeur de sciences politiques associe les revendications des MdM à l’exigence de dignité qui existe depuis 2011 et même bien avant. « Cette exigence est aujourd’hui le moteur des débats », analyse-t-il.
Constitution et démocratie
Enfin, Abdelkrim Belguendouz, professeur universitaire, a rappelé que les MdM, comme l’ensemble des Marocains, n’ont pas besoin d’un contrat social car un contrat récent existe déjà, qui est la Constitution de 2011.
« Les priorités sont l’application de la Constitution en faire une lecture démocratique ».
Belgendouz
« Les priorités sont l’application de ce texte, en faire une lecture démocratique et avoir une vision globale et intégrée en matière de politique publique à destination des MdM », énumère-t-il.
Le spécialiste des questions migratoires rappelle que l’article 16 de la Constitution est « un acquis important pour les MdM qui instaure un lien entre des citoyens et leur patrie. Or aujourd’hui, des acteurs publics en charge de ce dossier tentent de le scinder ».
Abdelkrim Belguendouz a critiqué le blocage institutionnel au sein du Conseil consultatif des marocains à l’étranger (CCME) et son « orientation vers le blocage de l’accès à la participation politique des MdM sous des arguments ne tiennent pas face à la réalité », affirme-t-il. Les hésitations du CCME, à plaider pour l’accès au MdM à la pleine citoyenneté, ont été repris dans l’avis récent du Conseil économique social et environnemental de 2023. « Les nouvelles générations de MdM font partie de la patrie nationale. Ils ont le droit de participer à la vie publique de ce pays », conclut-il.