
Sollicitée par les autorités locales de la capitale, la maire de Rabat, Fatiha El Moudni, n’a pas réussi à convaincre lors d’un point de presse sur les expulsions dans le quartier L’Océan. Les détails.
Cette conférence de presse organisée vendredi 14 mars par le Conseil de la ville de Rabat pour aborder les opérations de démolition et d’expropriation liées au plan d’aménagement urbain, a été marquée par de vives tensions. Au lieu d’apaiser les inquiétudes, cette rencontre ne fait qu’alimenter davantage les interrogations et les préoccupations concernant ces opérations.
Expropriations à Rabat : un urbanisme imposé ?
Les personnes affectées par ces démolitions se retrouvent coincées devant la porte, empêchées d’entrer, tandis qu’à l’entrée du conseil, la carte de presse est demandée deux fois avant d’accéder à la grande salle où se tiendrait la conférence.
Ce nouveau plan d’aménagement urbain de Rabat déclenche une vive controverse. Des centaines de familles se retrouvent du jour au lendemain contraintes de quitter leurs maisons pour laisser place à des démolitions. Les procédures d’expropriation successives sont dénoncées par les habitants, les militants et les élus de partis politiques, qui les qualifient d’« arbitraires » et d’« illégales ».
Le projet a commencé de Douar El Askar, suivi du quartier L’Océan, puis récemment Sania Gharbia, dans un climat de tensions et de contestations croissantes. Alors que ce plan d’aménagement vise à transformer Rabat en « une capitale moderne », il représente, pour des centaines de familles, un projet qui « détruit leurs vies ».
« Le plan d’aménagement de la ville a été conçu dans le respect de la loi, en incluant des biens appartenant à toutes les catégories sociales, des plus riches aux plus démunis, touchant les cinq arrondissements de la capitale »
Maire de Rabat
« Le plan d’aménagement de la ville a été conçu dans le respect de la loi, en incluant des biens appartenant à toutes les catégories sociales, des plus riches aux plus démunis, touchant les cinq arrondissements de la capitale », affirme la maire de Rabat.
« Ce qui se déroule à Sania Gharbia n’est pas une expropriation, mais une transaction entre les vendeurs et l’acheteur étant l’État, conclue d’un commun accord, avec un prix négocié entre les deux parties »
En ce qui concerne le quartier de l’Océan, où certains habitants dénoncent des pressions pour vendre leurs biens, la maire de Rabat, Fathia El Moudni, a rejeté l’idée d’une expropriation forcée. « Ce qui se déroule à Sania Gharbia n’est pas une expropriation, mais une transaction entre les vendeurs et l’acheteur, l’État, conclue d’un commun accord, à un prix négocié entre les deux parties », a-t-elle précisé.
Selon elle, le quartier de l’Océan va connaître de profondes transformations pour renforcer l’attractivité de la ville et améliorer le quotidien de ses habitants, dans le cadre des préparatifs pour la Coupe du Monde 2030. Ce projet s’inscrit dans le cadre du concept “Rabat Ville Lumière”, qui ne se limite pas seulement au littoral, mais englobe une zone plus étendue au cœur de la ville. L’objectif est « de stimuler l’impact économique, social et architectural de la capitale, tout en résolvant la problématique des habitations en ruine ».
« Le Conseil de la ville agit conformément à la loi 12.90 relative à l’urbanisme ainsi qu’à celle encadrant les expropriations pour utilité publique », souligne-t-elle.
En ce qui concerne le relogement des habitants de Sania Gharbia, la maire a expliqué que le quartier était constitué de logements vétustes ne répondant pas aux normes de sécurité et d’hygiène. Elle précise de ce fait que les résidents concernés, y compris les locataires, avaient été indemnisés. « L’opération a débuté en décembre dernier, et tous les habitants concernés ont été relogés, y compris ceux dans des situations précaires », a-t-elle ajouté.
Les montants de la transaction varient, oscillant entre 10 000 DH au mètre carré pour les biens non immatriculés et 13 000 DH pour les biens qui le sont.
Les travaux de démolition continuent dans le quartier de Sania Gharbia, à l’Océan. Lors de la conférence, quelques propriétaires ont expliqué avoir cédé leurs propriétés à la direction des domaines de l’État dans un accord volontaire et à l‘amiable. Les montants de la transaction varient, oscillant entre 10 000 DH au mètre carré pour les biens non immatriculés et 13 000 DH pour les biens qui le sont.
Depuis le fond de la salle, les victimes des démolitions tentent, en vain, de protester et de partager leurs témoignages, mais personne ne leur accorde la parole. Le sol semble être réservé uniquement à ceux qui acceptent de vendre leurs biens. L’une des victimes s’avance alors vers la scène et déclare : “Nous voulons aussi partager nos témoignages…”, mais aucune réponse ne lui parvient en retour. Lors de la session des questions, les journalistes insistent pour entendre les voix de ceux qui ont refusé de vendre ou qui ont été directement affectés par ces démolitions, mais encore une fois, leurs demandes restent sans écho.
Concernant les travaux, qui se déroulent en plein milieu de l’année scolaire, et la question de savoir si l’intérêt des enfants et leur scolarité sont pris en considération, la réponse donnée aurait été la suivante : “les travaux ont débuté en décembre 2024, et non pas présentement”.
La conférence s’est caractérisée par l’absence de données concrètes : aucun chiffre précis n’a été fourni, pas de plan des quartiers concernés, pas de nombre d’habitations qui seront touchées, ni de maisons qui seront démolies, ni la nature des projets qui seront installés.
La conférence s’est caractérisée par l’absence de données concrètes : aucun chiffre précis n’a été fourni, pas de plan des quartiers concernés, pas de nombre d’habitations touchées, ni de maisons démolies, ni la nature des projets qui seront installés. Le discours a été dominé par la répétition de l’idée que “Le Maroc se prépare à de grands événements internationaux”. Après plus de deux heures de conférence, aucune information substantielle n’a été apportée.
Le discours a été dominé par la répétition de l’idée que “Le Maroc se prépare à de grands événements internationaux
Des jours avant la Fédération de la gauche démocratique (FGD), un parti d’opposition au sein du Conseil de Rabat, avaient expliqué lors d’un point de presse sur ce sujet que, « les opérations d’expropriation ne respectent pas la procédure légale, notamment les publications officielles, l’enquête publique et la possibilité d’une opposition des personnes concernées. Ces étapes sont prévues par la loi, bien que leur mise en œuvre soit longue».
Farouk Mahdaoui, élu FGD au Conseil, a critiqué ces opérations de démolition, estimant «qu’elles ne respectent pas les procédures légales d’expropriation pour utilité publique, et qu’elles ne justifient pas de manière claire l’intérêt général ». Il a ainsi exprimé « ses préoccupations concernant la possibilité que les propriétés expropriées finissent sous contrôle de sociétés privées ou d’entités étrangères». L’élu a ensuite appelé les résidents concernés à « se rassembler pour saisir le tribunal administratif et contester cette opération».