Ni oubli, ni pardon

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À l’heure où les prisons s’ouvrent en Syrie, on relit le poignant collectif réalisé à partir des dessins de l’artiste Najah Albukaï.

En 2011, pour avoir dessiné deux soldats écrasant un homme, Najah Albukaï est dénoncé, arrêté et incarcéré à deux reprises. À chaque fois, il est sauvagement torturé. Il parvient à s’échapper en 2014, quitte la Syrie pour le Liban, avant d’arriver en France en 2017. Dans les gravures, il témoigne de cet enfer. Ses dessins au trait nerveux font surgir des silhouettes sans visage, distordues, en nombre, pour raconter l’enfermement, la surpopulation, la mort. La torture comme travail ordinaire pour ses geôliers, la corruption endémique. Les numéros tatoués sur les morts. Ces œuvres, grâce auxquelles il a pu se reconstruire, ont été exposées à la galerie parisienne Fait & Cause, créée par l’association Pour que l’Esprit vive, dont le but est de faire prendre conscience, par la photographie principalement, des problèmes sociaux et environnementaux dans le monde. Suite à l’émotion suscitée, un collectif international d’écrivains s’est mis en place pour exprimer leur solidarité, mais aussi pour alerter contre « la syrianisation du monde », selon les mots de l’éditeur Farouk Mardam-Bey : un concentré des désastres humanitaires et écologiques qui secouent le monde.

Vigilance

Najah Albukaï

Et c’est en effet de la condition humaine partout qu’il est question, surtout là où elle est bafouée. La vingtaine d’autrices et d’auteurs, d’une renommée internationale à l’instar de Nancy Huston, Wajdi Mouawad, Elias Sanbar, Samar Yazbek, etc. fait un tour d’horizon des atteintes à la dignité humaine dans d’autres contextes, comme l’Amazonie, la Chine, la Russie…

Le Français Daniel Pennac, l’Égyptien Alaa El Aswany, le Yéménite Habib Abdulrab Sarori, le Marocain Mohammed Berrada, l’Algérienne Souad Labbize, le Brésilien Sebastiao Salgado, la Libanaise Dominique Eddé, l’Irakien Sinan Antoon ou encore la Camerounaise Djaïli Amadou Amal, réunis sous la direction de Farouk Mardam-Bey évoquent ce qui blesse : patriarcat, mariages forcés, guerre, atteintes à l’environnement. Chacun choisit sa forme, poème, lettre, textes journalistique, pour dire la violence et la dévastation. « Les dessins ici redonnent la vue aux aveugles. Le tyran est toujours au pouvoir et nos gouvernements ne font rien pour le défaire. Au-delà de l’immense malheur du peuple syrien, une seule œuvre de Najah Albukai nous rappelle combien nous sommes tous responsables. », estimait Wajdi Mouawad. Aujourd’hui le tyran est enfin déchu. Mais ce livre noir bouleversant doit continuer à se lire comme un appel à la conscience collective, un programme de vigilance.

À réécouter: l’entretien de Najah Albukaï sur RFI.

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Tous témoins
Collectif, sur les dessins de Najah Albukaï
Actes Sud, 160 p., 350 DH

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