1er mai en sourdine : entre discours creux, et cris du terrain

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En ce 1er mai 2025 se déroule une atmosphère morose. Dans les villes couvertes par ENASS.ma, la mobilisation des grandes centrales syndicales comme l’Union marocaine du travail (UMT) et la Confédération démocratique du travail (CDT) est en net recul. Et pourtant, le contexte social est marqué par une flambée des prix, une précarité croissante et l’épuisement des travailleuses et travailleurs.

Les discours des représentants syndicaux sont restés convenus, presque mécaniques. On y salue les travailleurs, on évoque leurs luttes, mais souvent avec une distance, sans l’intensité ni la lucidité qu’imposent les urgences sociales du moment.

Malgré cette tension, les discours des représentants syndicaux sont restés convenus, presque mécaniques. On y salue les travailleurs, on évoque leurs luttes, mais souvent avec une distance, sans l’intensité ni la lucidité qu’imposent les urgences sociales du moment.

À Rabat : Colère et revendications des ouvrièr.e.s

Face à ces prises de parole souvent déconnectées, les petits syndicats et collectifs de base, font entendre une tout autre voix. Issues de secteurs précaires ; textile, nettoyage, agriculture, les travailleuses et travailleurs prennent la parole avec une franchise désarmante. Leurs discours, portés à voix nue, frappent par leur sincérité et leur ancrage dans le réel.

À Rabat, les slogans scandés par plusieurs groupes venus de différents secteurs, traduisent un quotidien de souffrance : « longues heures de travail, salaires dérisoires, absence de couverture sociale, et sentiment d’abandon généralisé ».

«On demande juste un salaire qui nous permette de vivre dignement. Nous sommes des êtres humains »

 « On demande juste un salaire qui nous permette de vivre dignement. Nous sommes des êtres humains », lance une ouvrière.
Et d‘ajouter : « Ce rendement, c’est nous qui le portons sur notre dos, au prix de notre santé, mais personne ne nous écoute. »

C’est une journée où l’on doit rendre visibles les luttes sociales et ouvrières, trop souvent marginalisées et précarisées.

« Ce 1er mai est un jour de colère, un moment pour dénoncer des politiques publiques qui légitiment toutes les formes d’injustice sociale et de précarité. C’est une journée où l’on doit rendre visibles les luttes sociales et ouvrières, trop souvent marginalisées et précarisées, mais aussi les répressions qui s’abattent sur toute forme de mobilisation et de militantisme », déclare Khadija Ryadi, de l’AMDH à Rabat.

La cherté de la vie étouffe les foyers, le pouvoir d’achat s’effondre, et les promesses du gouvernement, ressassées depuis des mois, restent sans effet. Ce sont ces voix du terrain, souvent marginalisées, qui portent le vrai message de ce 1er mai : celui d’une classe laborieuse qui n’attend plus de discours, mais des actes.

Travailleurs Glovo : Insécurité et précarité en pleine lutte

Sur le boulevard des FAR à Casablanca, l’Union marocaine du travail (UMT) rejoue comme chaque 1er mai, une mise en scène bien rodée. La tribune est là, installée à sa place habituelle, comme un décor familier d’un rendez-vous devenu presque prévisible. Pour la centrale, l’événement est autant une vitrine politique qu’un rituel syndical : capter les caméras, attirer quelques figures politiques de passage, et mobiliser ses rangs pour montrer qu’elle est toujours là, présente, visible. Mais au-delà de cette démonstration de force répétitive, peu de choses semblent vraiment bouger.

La situation des ouvrières et ouvriers rencontrés à Casablanca ne diffère guère de celle observée à Rabat. Partout, les témoignages convergent : conditions de travail précaires, absence de protection sociale, réclamations du droit à la grève et à une véritable représentation syndicale.

Longtemps invisibilisés, les travailleurs de l’économie numérique sortent de l’ombre pour dénoncer leur propre précarité

Mais cette année, une présence nouvelle attire l’attention : celle des livreurs de plateformes numériques, notamment Glovo. Longtemps invisibilisés, ces travailleurs de l’économie numérique sortent de l’ombre pour dénoncer leur propre précarité. Leur mobilisation prend une dimension encore plus poignante, alors qu’elle coïncide avec la mort d’un livreur survenue la veille.

Ces coursiers, souvent jeunes, travaillent dans des conditions extrêmement dures. Liés à la plateforme par un statut d’auto-entrepreneur, ils sont privés de droits fondamentaux. Pourtant, leur réalité quotidienne relève d’une relation salariale déguisée : horaires contraignants, risques sur la route, pression algorithmique… Sans contrat de travail formel, ils ne bénéficient ni de sécurité sociale, ni de protection juridique en cas d’accident ou de litige. Aujourd’hui, ils réclament leur reconnaissance comme salariés, avec les droits que cela implique.

A Tanger : Revendiquer le mieux vivre

À Tanger, les manifestants, venus de divers syndicats, ont défilé lors du 1er mai pour porter haut et fort leurs revendications. Parmi les slogans scandés, on retrouve des appels à la justice sociale, touchant des sujets cruciaux tels que la hausse des prix, notamment des produits alimentaires, la dégradation du pouvoir d’achat, l’augmentation des salaires et la défense des droits des travailleurs. Des secteurs variés seront représentés lors d’appels à la justice : des pharmaciens aux enseignants, en passant par les travailleurs indépendants. Tous dénoncent des conditions de travail difficiles, le manque de reconnaissance et l’insuffisance des mesures prises par les autorités face à la précarité grandissante. Les revendications s’étendent également à des questions de sécurité sociale et de meilleures conditions dans le secteur public et privé.

Lors des manifestations dans les trois villes, la cause palestinienne était fortement présente. De toute parts, les travailleurs et travailleuses brandissaient des drapeaux palestiniens et des slogans dénonçant les crimes commis à Gaza. Des messages de solidarité et de rejet de la normalisation ont résonné dans les trois villes, messages  portés avec force lors des différentes marches du 1er mai.

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