Parti pris, Tribunes

Les « Soudanais », nouvelle catégorie d’exilés noirs

L’enquête proposée contribue à la compréhension du massacre effectué conjointement par les forces de l’ordre marocaine et espagnole, sur la frontière coloniale de Mlilya1 le 24 juin 2022, et qui a provoqué des dizaines de morts, de disparus et d’incarcérés ainsi que des centaines de blessés parmi les cibles de ce massacre : des exilés2 venus dans leur extrême majorité du Soudan et du Soudan du Sud3, aspirant à rejoindre l’Europe par précisément cette frontière terrestre. ENASS publie cette tribune*. Partie 3.

Par Samia Moucharik, chercheuse indépendante

La violence et la nécro-violence sont envisagées comme relevant d’une logique déjà à l’œuvre et identifiée.

L’attention sur l’administration de la mort et des blessures, et donc le traitement des corps des morts et des blessés durant le massacre, conduit à un premier enseignement : l’inédit côtoie l’habituel dans les pratiques de violence policières. Face à ces pratiques inédites, deux postures sont possibles. La première est de les inscrire dans la problématique de la coopération marocaine avec ladite « politique migratoire » édictée par l’UE. Le massacre est alors analysé comme un nouveau jalon de l’intensification de la logique sécuritaire, militaire et donc mortifère de cette politique. Considéré comme un résultat sporadique et spectaculaire d’excès non contrôlés mais prévisibles, il est inséré dans une série de massacres4 opérés sur les deux frontières coloniales, l’un en 20055, l’autre en 20146. Cette analyse, largement dominante parmi les chercheurs et les journalistes, est partagée par l’Amdh et Salaheddine Lemaizi7. Ce faisant, la violence et la nécro-violence sont envisagées comme relevant d’une logique déjà à l’œuvre et identifiée.

La deuxième position qui est celle que je défends est de considérer cet inédit comme faisant signe vers des inflexions à investiguer à propos de la violence étatique visant les exilants noirs au Maroc. Elle conduit à un premier déplacement de l’enquête en poursuivant l’investigation sur précisément la construction d’une nouvelle catégorie d’exilants noirs.

La construction de la catégorie « Soudanais » complétée et précisée par des discours post-massacre

Il fallait un autre nom car lesdits « Soudanais » sont présentés comme distincts, et à ce titre, ils méritent d’être soumis à un autre type de violence.

La première direction oblige à examiner les discours8 qui ont suivi immédiatement le massacre, émanant directement ou non des autorités marocaines, pour beaucoup diffusés par les médias inféodés au régime et mettant en avant des « sources policières » et par une structure paraétatique, le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH). L’ensemble de ces discours contribue à la construction de cette catégorie, non seulement en la nommant, mais en lui donnant du contenu. Simplement, celui-ci émerge en creux via des discours visant à nier en même temps qu’à légitimer le massacre. Cette approche des discours oblige à dépasser leur simple dimension instrumentale et leurs objectifs immédiats et pragmatiques. S’il est vrai que la rhétorique des premiers instants comporte une part d’improvisation face à l’urgence, il n’en reste pas moins qu’elle prend place dans un cadre de pensée. Autrement dit, elle participe pleinement de la pensée à l’œuvre dans le massacre, en s’y alimentant et en donnant à l’entendre par éclats grâce à des énoncés. En l’occurrence, ces discours donnent un nom à la catégorie d’exilés noirs soumise précisément à la violence commise ce 24 juin 2022, « Soudanais », prenant prétexte d’une présence majoritaire des ressortissants des deux Soudan. Ce choix se présente comme à l’inverse de celui qui a guidé l’attribution du nom de « Subsahariens » et qui dénie aux exilants noirs l’appartenance à un pays précis. Il fallait un autre nom car lesdits « Soudanais » sont présentés comme distincts, et à ce titre, ils méritent d’être soumis à un autre type de violence. L’importance de les différencier par ce nom se manifestera dans les commissariats et dans les tribunaux qui imposeront cette nationalité à des ressortissants du Tchad ou de l’Erythrée. Sous ce nom, les hommes qui ont subi ce massacre sont présentés comme violents, mais d’une violence qui se démarque nettement de celle prêtée aux dits « Subsahariens ». Ainsi, la CNDH, qui se veut indépendante mais dont les prises de position relèvent régulièrement des accointances avec l’Etat, souligne avec insistance la dichotomie entre des « Subsahariens » voulant juste passer en Europe et les « Soudanais » redoutablement violents9. Si la violence peut être associée aux  « Subsahariens », elle est décrite comme non systématique et surtout tournée contre les Marocains. Or,  les « Soudanais » exerceraient une violence, non pas sociale, mais qui pourrait être qualifiée de politique, dans la mesure où elle émanerait d’hommes appartenant, dans leur pays d’origine, à des milices. Les voici désignés « mercenaires », « Janjawids ». La violence prêtée serait celle de groupes organisés, paramilitaires, entraînés à des techniques de mise à mort et liée, de ce fait, à un Etat. Les deux journalistes rapportent des propos de policiers selon lesquels « habituellement, dix policiers suffisent pour fuir 500 Subsahariens », quand « 10 Soudanais n’auraient pas peur de 1000 policiers ». Toujours de « source policière », et rapportée entre autres par un article de Mediapart, une embuscade aurait été organisée par les dits « Janjawids » dans les rues de Nador la veille du massacre afin de provoquer une diversion10. Rappelons que le premier communiqué officiel fait état de deux morts chez les policiers, sans que cette information, comme celle de l’attaque préméditée dans Nador, ne soit infirmée. Remarque à noter, les « Soudanais » se voient attribués une subjectivité et des pratiques marquées par une extrême violence qu’ils auraient transférée depuis leur pays d’origine jusque dans le pays de passage. C’est pour rendre compte de cette conception que l’enquête a été tenue de forger la catégorie d’« exilant », utilisée jusque-là de manière descriptive. Fidèle à l’enseignement d’Abdelmalek Sayad contestant la séparation entre l’émigration et l’immigration – alors qu’ils forment la continuité politique du phénomène – « exilant » a le mérite de rappeler que les traitements des exilés par chacun des Etats, qu’ils soient ceux des pays d’origine, de passage ou de destination, interfèrent objectivement et subjectivement les uns avec les autres. 

Sous ce nom, les hommes qui ont subi ce massacre sont présentés comme violents, mais d’une violence qui se démarque nettement de celle prêtée aux dits « Subsahariens ».

L’autre élément notable concernant cette violence prêtée aux dits « Soudanais » est qu’elle est responsable de leurs propres morts et de leurs propres blessures. Autrement dit, cette hyper-violence les aurait conduits à s’entretuer, en se jetant du haut de la barrière ou en se bousculant. Encore une fois, l’invitation est faite de dépasser l’usage rhétorique de la disculpation des policiers marocains, pour saisir la logique de ce qui est avancé au regard des autres énoncés rapportés : il s’agit ici d’une forme de haine raciale déniant toute rationalité au profit d’une violence déchainée et débridée, qui rendrait les morts responsables de leur mort. Un paradoxe surgit et qui témoigne que la construction de cette nouvelle catégorie d’exilant noir est en cours : des hommes extrêmement violents et qui auraient pu justifier l’invocation d’une « légitime défense » ne « mériteraient » même pas d’être tués par les policiers, tant cette extrême violence les déborde.

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C’est en connectant son déroulement aux discours qu’il est possible d’avoir accès à ce qui se joue dans le massacre, à savoir la construction d’une nouvelle catégorie d’exilants noirs. Il s’agit ici du premier déplacement opéré par l’enquête qui ne peut se focaliser sur le massacre et qui laisse place à un nouvel objet d’investigation, du moins à un objet plus resserré : considérer l’advenue de cette catégorie de « Soudanais », qui se trouveraient construits, non comme une menace par leur simple présence ou par une éventuelle et limitée propension à la violence, mais comme des possibles ennemis car venus au Maroc munis d’un rapport paramilitaire avec la violence.

Les significations et les formes de la négrophobie de l’Etat à réexaminer

L’examen de la catégorie de « Soudanais » engage à réfléchir sur la négrophobie de l’Etat marocain et sur ses éventuels renouvellements

L’examen de la catégorie de « Soudanais » engage à réfléchir sur la négrophobie de l’Etat marocain et sur ses éventuels renouvellements. Elle signalerait en effet une complexification en cours  de la catégorie plus générique de « Noir » relative au régime racial des frontières. Saisir ce processus exige tout d’abord de se démarquer de la problématique centrée sur la collaboration du Maroc à la politique de l’UE de défense de ses frontières. Si ses apports en termes de connaissances et d’explications sont indéniables, son exclusivité conduit à un certain nombre d’obscurcissements quant à la violence négrophobe de l’Etat marocain visant les exilants. Comme déjà mentionné, la violence produite lors du massacre de juin 2022 est interprétée comme relevant de la même logique que celle qui prévaut depuis deux décennies et l’enrôlement de l’Etat marocain dans ladite « lutte contre l’immigration clandestine » venue d’Afrique. Illustration plus précise, le traitement des Soudanais a constitué comme une preuve incarnée de l’anti-noirceur comme mode de gouvernement des « Subsahariens » sur la frontière coloniale de Mlilya, où se donnent littéralement à voir les hiérarchies raciales opérées par les deux polices entre les noirs et les non noirs. Si je reconnais avec Salaheddine Lemaizi et les militants de l’Amdh-Nador que la noirceur l’a emporté sur l’arabité au regard des écarts de traitement réservé entre les Soudanais et les Yéménites en compagnie des Syriens11, j’interroge, précisément à partir des spécificités du massacre, le caractère immuable et homogène de la négrophobie visant les exilants africains. Cette cécité est à mettre sur le compte de la conception de l’Etat marocain dessinée par les approches se centrant sur la coopération avec l’UE. Il se voit investi de la fonction de « gendarme » ou de « sous-traitant », et à ce titre, d’exécutant de politiques extérieures. Des marges de manœuvre et de négociations peuvent lui être reconnues12, faisant de lui un Etat calculateur et défenseur de ses intérêts en jouant de la « rente migratoire ». Ce faisant, la politique de « lutte contre l’immigration clandestine » apparaît comme un moyen ou un outil au service de politiques relevant de domaines hétérogènes. Cette position éclate dans l’appel lancé par bon nombre de ses critiques et de ses opposants marocains à abandonner cette coopération pour mettre fin à la violence. Or, c’est oblitérer l’ «  internalisation » de cette politique dans les appareils répressifs de l’Etat. Autrement dit, la violence négrophobe ne peut être considérée comme simplement instrumentale et le fruit de l’importation de l’anti-noirceur européenne reposant sur la thématique de l’ « invasion noire »13 ainsi que sur la conception néolibérale envisageant les Noirs comme des hommes et des femmes « inutiles »14. Cette logique européenne a sédimenté dans les différents appareils de répression que sont la police, la justice et l’armée, via des discours et des pratiques. Par ailleurs, elle s’est ajoutée à d’autres logiques historiques de la négrophobie du pouvoir marocain. Il est sans doute difficile, voire impossible de distinguer leurs relations15, mais il est nécessaire d’identifier les intellectualités modelées par l’esclavage16 et son abolition, par la colonisation européenne17, par l’indépendance reposant sur la construction d’une identité arabo-musulmane prééminente18, qui s’entremêlent voire s’imbriquent pour fonder les ressorts de la négrophobie d’Etat. Prendre soin de l’historiciser implique non seulement de rechercher ses sources passées mais également d’enquêter sur ses évolutions présentes dans la mesure où elle ne peut être présumée figée. Ces évolutions sont nécessairement produites par celles propres à l’Etat et celles relatives à la politique de violence contre les exilants. En l’occurrence, le massacre à Mlilya le 24 juin 2022 aurait révélé ce qui m’apparait comme une bifurcation relative à la négrophobie de l’Etat reposant sur une figure ennemie du Noir.

Le traitement des Soudanais a constitué comme une preuve incarnée de l’anti-noirceur comme mode de gouvernement des « Subsahariens » sur la frontière coloniale de Mlilya, où se donnent littéralement à voir les hiérarchies raciales opérées par les deux polices entre les noirs et les non noirs.

Les hypothèses de la fixation de ce devenir-ennemi sur les « Soudanais »

En vue de mieux comprendre les enjeux de la bifurcation repérée, il est légitime de s’interroger sur les raisons de la fixation sur la nationalité soudanaise de ce devenir-ennemi. Pour l’heure, il n’est pas possible de faire une généalogie de la construction de cette catégorie. L’Amdh Nador a évoqué un élément qu’il s’agitait d’investiguer : un ciblage des Soudanais par la justice aurait eu lieu des mois avant le massacre, se constatant par le nombre d’incarcérés parmi eux. Dans l’attente (et l’espoir) d’une telle investigation, notre enquête politique propose un certain nombre d’hypothèses relatives à la rationalité de l’Etat marocain – en attribuant aux hypothèses un statut quasi équivalent aux connaissances et aux idées dans la mesure où elles aident à réfléchir aux enjeux de ce qui a cours. Si elles ne sont pas vérifiables, elles ne relèvent tout autant pas de spéculations infondées, qu’elles relèvent de considérations matérielles ou imaginaires.

La figure soudanaise incarnerait la crainte vertigineuse d’une recrudescence d’arrivées d’exilants sur cette route migratoire qu’est devenu le pays depuis une vingtaine d’années au moins

Une partie de ces hypothèses repose sur le distinguo que l’Etat marocain se doit de respecter avec les exilés noirs dits « Subsahariens » car il ne peut leur accoler le devenir-ennemi repéré. Et cela, en direction tant des Etats desquels ils viennent que de sa propre « opinion publique ». Il est engagé depuis au moins une vingtaine d’années dans une politique à la fois diplomatique, économique, commerciale, culturelle et religieuse avec un grand nombre d’Etats de l’Afrique de l’Ouest 19et même au-delà de cette région – comme le Nigeria. De ce fait, il n’est pas envisageable, non pas de violenter leurs ressortissants traversant le pays, mais de les criminaliser en tant qu’hommes hyper-violents prêts à affronter la police et donc l’Etat. Cet équilibre à trouver s’est manifesté lors de la réception deux jours après le massacre d’ambassadeurs de certains Etats africains en guise de réponse à la condamnation et à la demande d’une enquête formulées par l’OUA et par l’ambassadeur du Kenya à l’ONU20. Pour des motifs également de cohérence, il n’est pas envisageable d’ériger en ennemis intérieurs les dits « Subsahariens » aux yeux mêmes des Marocain(es) alors qu’ils font l’objet de discours les présentant, lorsqu’ils sont dans l’attente de passer en Europe comme des victimes de « traite humaine » à protéger d’elles-mêmes et comme potentiellement régularisables. Pour le dire autrement, il n’est pas possible d’encourir le risque de démentir sa propre entreprise de médiatisation et donc de justification des quelques campagnes de régularisation de ressortissants de pays d’Afrique de l’ouest désignés sous le nom de « Subsahariens »21. A contrario, le Soudan apparaît comme un Etat avec lequel le Maroc a beaucoup moins de relations diplomatiques et économiques. J’ajoute également la possibilité pour l’Etat de s’appuyer sur un imaginaire présent, conscient ou non, suscité par les noms de « Soudanais » et de « Janjawids » associés à une hyperbolisation de la violence. Cet imaginaire populaire pourrait se nourrir d’une vague connaissance de la guerre menée dans les années 2000 contre les civils et des massacres opérés tout particulièrement au Darfour, ainsi que des pratiques criminelles de « Janjanwids » avérées contre les exilants capturés en Libye22. Une autre hypothèse doit être également prise au sérieux et concerne le statut potentiel de demandeur d’asile auquel les Soudanais peuvent prétendre. Même s’il n’est quasiment pas respecté par le Maroc23, ce statut peut provoquer l’anticipation d’une grande gêne de la part des autorités espagnoles qui seraient obligées de leur laisser la possibilité de se rapprocher de la frontière de Mlilya pour déposer une demande d’asile auprès du bureau de l’HCR24 et donc de s’introduire dans la colonie espagnole. Parmi toutes les hypothèses quant à la fixation du nom « Soudanais » sur ce devenir-ennemi, celle qui me semble la plus décisive en dépit de son caractère évanescent nous conduit dans ce que je nomme l’ « espace mental » de l’Etat marocain. Il s’agit d’un amalgame, difficile voire impossible à saisir dans sa globalité, qui correspondrait à son imaginaire, nourri à la fois par le passé, le présent et le futur tels qu’il les subjective. En l’occurrence, la figure soudanaise incarnerait la crainte vertigineuse d’une recrudescence d’arrivées d’exilants sur cette route migratoire qu’est devenu le pays depuis une vingtaine d’années au moins. La présence de quelques centaines ou milliers de Soudanais arrivés depuis deux ans viendrait manifester l’attente rationnelle voulant que des ressortissants de pays lointains et apparaissant comme insoupçonnables du fait justement de la géographie décident de faire du Maroc le lieu de passage vers l’Europe. Cette projection ne concerne pas que le Maroc. Il suffit de lire la presse pour apprendre que des exilants passent par des pays nouveaux et lointains25. Cette projection repose sur des « dynamiques migratoires » nouvelles déjà repérées comme l’exil de familles appartenant ou non aux classes moyennes paupérisées de Tunisie, du Liban, de Palestine qui ne voudront pas emprunter des routes jugées dangereuses ; des « dynamiques migratoires » plus anciennes concernant les jeunesses africaines. Ajoutons que la situation politique de la Libye laisse peu entrevoir des perspectives sérieuses de paix pour le moment. Ces éléments renforcent l’attractivité26 du Maroc, et particulièrement les colonies espagnoles que sont Sebta et Mlilya, vers lesquelles le passage apparaît bien plus sécurisé que la traversée de la Méditerranée. L’incarnation de la projection attendue – et nécessairement pensée – a constitué comme un choc, pour utiliser un terme inapproprié car relevant du registre psychologique, mais qui rend compte d’un des ressorts de la violence déployée contre ceux qui l’assurent à leurs dépens.  

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Poursuivre l’enquête sur l’ « après-massacre »

 L’investigation sur cette catégorie étatique doit être poursuivie puisque sa construction doit être postulée toujours en cours. Mais la focalisation sur le traitement réservé ou non aux dits « Soudanais » ne signifie pas que le devenir-ennemi qui caractérise la négrophobie de l’Etat marocain et qui vise les exilants noirs se soutiendra seulement sur cette catégorie. Pour l’heure, et l’enquête l’a souligné, il ne peut être envisagé une extension de cette logique à tous les exilants noirs. En revanche, et cela sera l’objet de l’ultime étape de l’enquête, il ne peut être attendu que cette logique s’épuise prochainement.

Dans le cadre de cette enquête, cette investigation doit intégrer également ce que je continue provisoirement à nommer « l’après-massacre ». A mes yeux, et encore bien plus que la séquence antérieure, celle qui suit fait partie du même dispositif-massacre qu’il s’agit de penser. Or, il est sans doute encore plus délicat d’enquêter sur l’ensemble des pratiques déployées dans cet « après », à savoir les blessés, les morts et les disparus. Du côté des médias étrangers, il me semble que l’idée même de mener une telle enquête n’a pas vu le jour, au regard des enquêtes déjà mentionnées de la BBC Afrique ou du consortium noué entre Enass, El Païs, Der Spigel et Le Monde avec Lighthouse Reports, qui se sont focalisées sur les exactions commises du côté espagnol ainsi que les mensonges d’Etat27. Du côté marocain, le suivi régulier assuré par Salaheddine Lemaizi dans Enass et surtout le travail au long cours mené par l’Amdh Nador nous livre des connaissances précieuses.

L’après-massacre oblige à se décentrer de la frontière de Mlilya pour s’installer dans les différents lieux de la répression et de l’effacement du massacre, toujours en maintenant le fil choisi depuis le début : le traitement des corps. Je précise d’emblée que celui-ci va apparaître en grande partie comme habituel au regard des pratiques étatiques contre les exilants noirs. Mais tant ces pratiques routinières qu’inédites doivent trouver leur sens dans le dispositif-massacre. Par ailleurs, cette coexistence vient signaler que la construction d’une nouvelle catégorie de Noir se présente comme un processus qui voit se chevaucher des logiques politiques passées et nouvelles. Ce faisant, l’attention à ce qui a eu lieu juste après doit se faire avec la même acuité que lors de l’examen du massacre lui-même, même si les éléments de connaissances sont lacunaires tant les enquêtes empêchées se sont démultipliées.

La première pratique habituelle qu’il faut évoquer est celle des « refoulements » vers d’autres villes du pays. Elles ont pour fonction d’affaiblir psychiquement et physiquement ceux qui échouent à franchir la frontière et à faire éclater les solidarités forgées lors des mois passés sur les montagnes environnantes28. Elles ont été décidées comme prioritaires, puisque comme l’avaient indiqué mes interlocuteurs, les bus pour organiser ces refoulements ont été positionnés avant l’arrivée des ambulances. Cette priorité sinistre rappelle le traitement fait aux blessés laissés à leur agonie ou leurs douleurs tout en signifiant l’urgence d’éloigner les témoins privilégiés du massacre29. Rappelons que les journalistes ont évoqué les difficultés de leur parler dans la région. Salaheddine Lemaizi publiera seulement le 8 juillet un article reposant sur des entretiens avec certains d’entre eux à Casablanca, quand moi, j’en rencontrerai à Khouribga. Ces déplacements forcés constituent un des nombreux hors-champs du massacre, car des blessés graves ont été conduits dans les bus et certains sont morts pendant le trajet et/ou à l’arrivée. Un de mes interlocuteurs assure avoir vu deux morts dans son bus. Il est question également de blessés qui ont été soignés dans les hôpitaux des villes d’expulsion. Cette pratique de refoulements oblige à se décentrer des frontières « officielles » pour considérer que l’ensemble du pays peut être considéré comme une frontière sous l’effet de l’ensemble des persécutions policières que les exilants subissent dans tout le pays30.

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Autre lieu du dispositif, les hôpitaux dans lesquels ont été envoyés les blessés les plus graves à Nador, ville mitoyenne de Mlilya, et les plus grave encore à Oujda. Les journalistes et les militants ont été empêchés d’entrer pour discuter avec eux et/ou avec le personnel soignant. La dimension stratégique de ces lieux n’a pas besoin d’être rappelée en vue de l’empêchement définitif de toute connaissance sur les blessures infligées. Notons que les blessés ont été utilisés comme « témoins » par les enquêteurs de la CNDH au service d’un rapport cherchant clairement à disculper l’Etat marocain, alors qu’ils étaient assurément les rescapés pourvus de moins de liberté pour parler.

Il faut évoquer aussi un autre lieu dans l’hôpital de Nador, la morgue. Omar Naji a pu voir un certain nombre de corps avant d’être expulsé. Il a également appris du responsable de la morgue la mise en place d’un circuit dérogatoire pour inscrire les morts, tâche qui lui est pourtant dévolue. L’évocation de ce lieu suscite tellement d’interrogations sur les morts qui n’ont pas fait l’objet d’une identification31 : sont-ils encore aujourd’hui conservés dans les compartiments frigorifiés ? Rappelons qu’Omar Naji avait réussi à empêcher une première tentative d’inhumation en catimini très peu de jours après le 24 juin. Un homme Soudanais a été enterré avec son identité connu. D’autres enterrements ?

Autre lieu de répression qui doit figurer dans toute enquête sur le massacre, et cela, encore une fois, en dépit du peu de connaissances, l’ensemble des lieux de détention. Il s’agit des commissariats et de ce que mes interlocuteurs ont appelé « centre de déportation » où ils ont été entassés pendant plusieurs jours. Les arrestations et les détentions sont habituelles s’accompagnant de tabassages, d’humiliations, de vols (de l’argent et des téléphones). Juste après le massacre, les arrestations ont pu s’effectuer sur place, avant les refoulements, soit à la suite d’une traque dans la région, aidée par des délateurs. Ainsi, un des rescapés rencontrés était-il avec un groupe dans une gare avoisinante et a été arrêté par des policiers qui ont été avertis de leur présence, ce dont il ne doute pas un instant. Comme il est habituel lors de tentatives collectives de franchissements de la « frontière », les policiers ont recherché activement ceux qu’ils nomment les meneurs. M’ont été évoqués des critères de reconnaissance de ces dits meneurs  qui portent sur leur apparence : une coupe de cheveux rasta et des muscles développés. Mes interlocuteurs ne m’ont pas évoqué des critères, mais en revanche, le ciblage des plus jeunes, réputées plus vulnérables, pour les faire « avouer » sous les coups ; ces jeunes auraient fini par « dénoncer » n’importe qui pour faire arrêter les violences. Si la plupart des rescapés ont été refoulés ensuite, quelques dizaines d’entre eux vont subir une répression sévère par le biais de la Justice.

En effet, ils vont être poursuivis pour « outrage à des fonctionnaires », « rébellion en réunion », « entrée illégale sur le territoire marocain », « refus d’obtempérer », « participation à une bande criminelle d’immigration clandestine ». Il faudrait assurément investiguer sur cette judiciarisation, d’autant que des ressources existent car les procès ont été largement suivis par les militants de l’Amdh, des journalistes et bien sûr les avocats qui ont accepté de défendre les prévenus. Plusieurs remarques. Tout d’abord, on peut parler de l’ouverture sciemment réfléchie d’un nouveau front par les autorités marocaines, front qui a accaparé les forces militantes et journalistiques pendant de longues semaines au détriment de la situation des rescapés et de celle des morts et des disparus. Sans doute que cette criminalisation a eu cette fonction. Elle n’a rien d’exceptionnel, mais il est certain que ces procès ont participé de la construction de la catégorie des « Soudanais », notamment auprès des Marocains dans la mesure où il sera amplement question d’eux durant les premiers procès et les procès en appel. Il serait intéressant de savoir si l’alourdissement systématique des peines a déjà été constaté. Il faut ajouter que des policiers ont été invités à porter plainte (l’ont-ils fait ?) et ont, sur instruction, établi des procès-verbaux à la chaîne, au sens où ils se ressemblaient, et ont pu prêter abusivement la nationalité soudanaise à de nombreux inculpés.

De manière logique, la prison est aussi une pièce du dispositif de répression visant les rescapés du massacre. Elle constitue un hors-champ qu’il s’agit de lever même par une série de questions. Les détenus rescapés du massacre subissent-ils un traitement particulier de la part de l’administration pénitentiaire ou subissent-ils la négrophobie tant de la direction, de surveillants ou de co-détenus marocains32 ? Sont-ils réunis dans un bloc ? Ont-ils des liens avec l’extérieur ?

Une enquête centrée sur les morts et les disparus aurait dû être menée dès les premiers jours

L’enquête sur le massacre doit bien entendu se poursuivre à propos des morts et des disparus. Comme déjà mentionné, il n’est toujours pas possible d’établir leur nombre. L’Amdh avance le nombre de 37 décédés quand l’Etat marocain n’en reconnaît que 23 morts. Une enquête centrée sur les morts et les disparus aurait dû être menée dès les premiers jours. Mais outre les empêchements déjà indiqués, il est sûr que le front judiciaire a dispersé les quelques forces. Il faut noter que l’Amdh Nador s’est remarquablement emparée du dossier des disparus : pour la mémoire de ces personnes, pour leurs frères de condition et bien sûr leurs familles majoritairement soudanaises. L’association a établi en septembre 2022 le nombre de 73 disparus. Il semble que le nombre n’ait pas changé. En toute logique, il y aurait eu une centaine de morts. Ce qui me frappe est que les deux rescapés rencontrés avaient avancé prudemment une soixantaine de morts, prudemment signifiant assurément, et cela dès le 29 juin. S’il est inhérent à tant de massacres de ne pouvoir établir le nombre de morts, il est tout de même frappant que tant de disparus soient encore à déplorer, qui plus est, dans une région urbanisée33. Il est incontestable qu’aucune enquête sur le massacre ne peut éluder cette question qui est centrale. Ce qui impressionne reste le nombre de disparus. Tout comme l’acharnement par l’Etat marocain d’entraver les quelques recherches effectuées par les familles. Omar Naji stipule bien que des directives ont été appliquées à l’ambassade du Maroc pour rejeter toute demande de visa en vue d’identifier ou de rechercher son parent. A priori, un seul Soudanais a réussi à venir au Maroc pour identifier son frère mais parce qu’il vit en Suède. Cette impossibilité est-elle inédite et si oui, qu’est-ce qu’elle signifie du point de vue de l’Etat marocain, alors que l’on pourrait spontanément penser que cette démarche n’a rien de dangereux.

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Il me semble, qu’au-delà des aspects habituels du traitement des morts et des disparus chez les exilants noirs, la connaissance aussi exacte que possible de la situation des morts et des disparus permettrait de saisir la négrophobie à l’œuvre dans le massacre du 24 juin, tant pour ce qu’elle rend visible qu’invisible.

Négrophobie d’Etat sur le devenir-ennemi

Par glissements successifs opérées par elle-même, l’enquête portant initialement sur les enjeux du massacre est conduite à saisir plus particulièrement le devenir-ennemi qui réactualiserait la négrophobie de l’Etat marocain34 visant les exilants noirs. Il s’agirait de saisir un processus politique en cours dont on ne sait ni quand il aurait débuté ni comment il va se développer. Justement, parce que se menant au et sur le présent, l’enquête politique assume son caractère fragmentaire et lacunaire, comme elle revendique de travailler à partir d’hypothèses et de pistes. C’est qu’il s’agit de ne pas accuser trop de retard dans la compréhension d’enjeux dont nous sommes contemporains. Mais faut-il aussitôt préciser que les hypothèses et les pistes avancées sont suscitées par la catégorie de « Soudanais » telle que mise au jour par l’analyse du massacre – témoignant par là d’une confiance en l’enquête. L’approche par la singularité est donc maintenue en vue de déplier les logiques à l’œuvre dans cette catégorie et les possibles politiques qu’elles indiquent. Pour finir, l’enquête intègre dans son propre champ des développements qui dépassent pourtant son cadre temporel. Ainsi, son dernier volet n’est ni analytique et encore moins explicative, mais réflexive en partageant un certain nombre de pistes à suivre. Nulle prospection mais attention à des potentialités à l’œuvre dans le présent.

Piste relative à la catégorie de « Soudanais »

L’attention aux évolutions de ce devenir-ennemi oblige bien entendu à se rendre attentif au maintien éventuel du traitement dérogatoire des dits « Soudanais », que ce soit dans l’intégralité du pays qu’aux abords des frontières coloniales que sont Sebta et Melilla, ainsi que des frontières maritimes. Cette attention doit se porter plus particulièrement dans des campements qui leur seraient propres, les rendant visibles aux yeux des autorités, comme cela avait été le cas aux abords de Selouane35. Autrement dit, cette première piste oblige à vérifier si la construction de la catégorie de « Soudanais » se confirme, si elle évolue ou si, au contraire, elle s’épuise. La prudence est de mise car s’il est vrai qu’aucun élément significatif n’est à noter depuis un an plaidant pour un ciblage des Soudanais – et de ceux assimilés à eux –, il faut aussitôt rappeler qu’il serait précipité, voire naïf, de considérer les discours leur prêtant une hyper violence paramilitaire comme purement accidentels, commandés par la simple urgence liée au massacre, et donc dépourvus de suites et de conséquences. Par ailleurs, l’impérieuse nécessité pour un très grand nombre de Soudanais(es) de fuir le pays, en proie à une contre-révolution militaire féroce, peut exacerber chez les autorités marocaines – et européennes – la peur d’une « submersion » imminente, qui plus est de la part de ressortissants pour lesquels la demande d’asile peut difficilement être réfutable.

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Pour l’heure, l’enquête privilégie l’autonomie du « devenir-ennemi » à l’égard des évolutions de la catégorie de « Soudanais ». En effet, une piste suggérée par l’analyse du massacre invite à considérer son élargissement à tous les exilants noirs dans la mesure où il n’opérerait exclusivement que sur les frontières du pays. Les exilants noirs pourraient être maintenus comme une menace à l’intérieur du pays 36et érigés en ennemis animés de la volonté de tuer dans l’espace des frontières.

A suivre…

Disclaimer : Les avis exprimés dans la rubrique « Tribune » ne représentent pas nécessairement les opinions du média ENASS.ma

  1. Par cohérence politique, le nom en arabe marocain sera choisi ici en lieu et place de « Melilla », nom donné par l’Espagne à cette colonie, le même enjeu se retrouvant dans le choix du nom de l’autre colonie espagnole, Sebta ou Ceuta. Notons que la ville est appelée Mlit en amazigh ou Mrirt en rifain. ↩︎
  2. S’il est un terme largement préféré à celui de « migrant » ou de « réfugié », il est utilisé provisoirement pour sa charge descriptive avant que ne lui soit préféré la catégorie d’ « exilant » forgée pour sa valeur analytique. ↩︎
  3. Ainsi que bon nombre de Tchadiens. ↩︎
  4. Il serait intéressant d’étudier leurs spécificités ↩︎
  5. A Sebta, faisant 5 morts par balles ↩︎
  6. A Sebta, faisant 15 morts des dizaines de disparus, sans compter les blessés. ↩︎
  7. Ce qui rappelle qu’un même matériau peut être exploité par des approches plurielles et, surtout, ne pas être capté par les problématiques qui ont guidé son établissement. ↩︎
  8. Les éléments donnés sont loin d’être exhaustifs, ce qui supposerait une enquête plus systématique sur les déclarations étatiques et l’ensemble du traitement médiatique. ↩︎
  9. Elle conforte explicitement dans un premier rapport la thèse gouvernementale de la violence criminelle des réfugiés et les décès provoqués par des chutes et non des tabassages ou lynchages policiers. ↩︎
  10. Cette version de « source policière » sera malheureusement relayée dans un article de Mediapart. Se présentant comme une analyse, le sociologue Mehdi Alioua avance l’idée de changements de méthodes avec une action « organisée » et « coordonnée » et il mentionne des « débuts d’émeutes » dans plusieurs lieux de Nador face à des forces de l’ordre « débordées », reprenant sans doute la phraséologie policière. Il reprend la thèse défendue par le ministère de l’Intérieur, en présentant les « migrants » comme n’étant « pas des migrants lambda, plutôt des personnes agressives ». L’article mentionne la présence d’anciens « mercenaires » parmi les Soudanais. https://www.mediapart.fr/journal/international/270622/tragedie-aux-portes-de-l-europe-des-politiques-migratoires-plus-mortelles-que-jamais ↩︎
  11. C’est aussi le cas dans l’article d’Elisa Tyszler publié dans Contretemps peu de temps après le massacre, et dont je recommande la lecture. Il propose de saisir le massacre à partir de ses observations des pratiques tant du côté des exilants que des policiers sur cette frontière coloniale.
    https://www.contretemps.eu/massacre-racisme-migrants-exil-maroc-espagne-frontiere-melilla/ ↩︎
  12. Dans des analyses cherchant à complexifier les rapports entre l’Etat marocain et l’UE, à l’instar de Nora El Qadim, « La politique migratoire européenne vue du Maroc. Contraintes et opportunités », Politique européenne,31, 2010, p. 91-118 ↩︎
  13. Cette thématique est déjà à l’œuvre en Europe occidentale et particulièrement en France au 19 e siècle, avec l’idée de l’invasion démographique et de la submersion ; en témoigne le succès littéraire de L’Invasion noire datant de 1893-1894, tel que le rappelle Reza Zia-Ebrahimi dans Antisémitisme § islamophobie. Une histoire croisée, 2021, p. 121-122 ↩︎
  14. Norman Ajari, La Dignité ou la mort. ↩︎
  15. Cette impossibilité ne signifie pas la renonciation à cet effort, ce dont témoigne le premier numéro de Souffles Monde, avec notamment les contributions de Hisham Aïdi, de Yassine Yassni, de Fatima Aït Ben Lmadani ou de Zakia Salime. ↩︎
  16. Il faut noter l’existence d’un débat tout aussi âpre que passionnant qui oppose les contributeurs de la revue Souffles Monde et Choukri El Hamel à propos des enjeux historiques de l’anti-noirceur et l’esclavage. Cf.Hisham Aïdi, « Moulay Ismail and the Mumbo Jumbo : Black Morocco revisited », Islamophobia Studies Journal, printemps 2023, Academia.edu ↩︎
  17. Avec la séparation entre ladite « Afrique du nord » et ladite « Afrique subsaharienne » ou la mémoire du recours par l’occupant français à des soldats noirs dans la répression. ↩︎
  18. Ali Bensaâd, « Au Maghreb, le racisme contre les Subsahariens met au jour l’ambiguïté des constructions identitaires », Le Monde, 27 avril 2023. ↩︎
  19. Omar Azik, « Maroc : tremplin pour les conquêtes néocoloniales de l’Afrique », CADTM, 2017. ↩︎
  20. On notera la position du chef de l’Etat du Nigeria assez timorée alors qu’il était engagé dans des négociations avec l’Etat marocain à propos d’un gazoduc. ↩︎
  21. Un affichage qui apparaît délié de l’ampleur et de la pérennité de ces régularisations. Salaheddine Lemaizi a pu établir un lien entre la suspension des régularisations et l’exacerbation de la violence à l’égard des exilants. ↩︎
  22. On peut envisager qu’un tel imaginaire ait été alimenté par les récits d’exilants marocains qui ont subi détentions et violences en Lybie. Rappelons aussi que « Soudanais » a été un des noms donnés au Maroc aux Africains noirs. ↩︎
  23. Comme il ne l’a pas été pour les réfugiés de Syrie auparavant. ↩︎
  24. Son accès est justement l’objet d’une différenciation racialisée aux abords de Mlilya : les Noirs en sont totalement privés par la police marocaine. L’Amdh-Nador a fait état il y a quelques jours d’un traitement raciste des Tchadiens effectué par les autorités espagnoles. ↩︎
  25. Aux frontières entre le Mexique et les Etats-Unis, entre les Etats-Unis et le Canada, en Guyane française ↩︎
  26. Attractivité déjà à l’œuvre chez des Syriens, des Yéménites, des Bangladesh pour ne citer que des nationalités de pays lointains ↩︎
  27. Et cela, indépendamment des difficultés que les autorités marocaines auraient opposées à de telles
    investigations, il me semble que c’est la problématique de la coopération sécuritaire entre le Maroc et l’UE/l’Espagne qui a guidé ce choix. ↩︎
  28. L’éclatement des solidarités ne s’est pas réalisé concernant au moins une partie des Soudanais qui, des villes rejointes, se sont retrouvés à Khouribga d’où le groupe était parti quelques mois auparavant. Ils seraient une centaine. ↩︎
  29. Il faut tout de même évoquer les témoins qui disposent sans doute de la plus grande liberté de parole, à savoir ceux qui ont réussi à rejoindre Mlilya. ↩︎
  30. Salaheddine Lemaizi, « Ouled Ziane, une frontière de l’Europe », Enass, 15 février 2023 ↩︎
  31. On peut se demander s’il s’agit d’une pratique habituelle ou non concernant les morts. ↩︎
  32. Hicham Mansouri qui a passé plusieurs mois en prison fait allusion à la négrophobie en vigueur dans le lieu.Hicham Mansouri, Au cœur d’une prison marocaine. Montreuil, Libertalia/Orient XXI, 2022. ↩︎
  33. Certes, c’est bien ce qui s’est passé à Paris en 1961 mais la Seine a été un allié pour engloutir les morts. Tandis que dans les camps de Sabra et Chatila en 1982, les pelleteuses les ont fait engloutir dans la terre. ↩︎
  34. Rappelons qu’il est considéré comme exemplaire d’un processus contemporain affectant bon nombre d’Etats. ↩︎
  35. Notons que bon nombre de Soudanais ne la craignent pas en organisant des rassemblements devant les bureaux de l’HCR. Imane Bellamine, « Réfugiés soudanais : « Une relocalisation maintenant ! », Enass, 22 mai 2023 ↩︎
  36. A certains égards, il serait possible d’identifier le pays dans son intégralité comme une frontière, ce qu’il est devenu à la faveur de l’ensemble des dispositifs de répression visant les exilants. Ce que vient justement rappeler la méthode de refoulements, mais également les interdictions de prendre les bus et les trains vers le nord méditerranéen, ou encore les violences policières aux abords d’une gare routière de Casablanca. https://enass.ma/2023/02/15/ouled-ziane-une-frontiere-de-leurope/ ↩︎

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