L’AMDH, cette « Grande Dame »

L’Association marocaine des droits humains (AMDH) clôt ce week-end le chapitre de son 14ème congrès national avec l’élection du Bureau central de cette ONG et son nouveau/nouvelle président-e-. Regards critiques.
Cette association unique au Maroc, au Maghreb et même dans la région MENA fascine par sa résistance.
Quarante-six ans ! « La Grande Dame » du secteur associatif marocain entame un nouveau chapitre dans son histoire. La tenue de la 1ère session de la Commission administrative (conseil national) de l’AMDH prévue ce week-end à Rabat élira les instances exécutives de l’association pour un nouveau mandat. Cette association unique au Maroc, au Maghreb et même dans la région MENA fascine par sa résistance, sa capacité de résilience en ces temps durs pour les droits humains dans le monde. On peut faire toutes les critiques à l’AMDH, mais on ne peut que saluer cette force à rester présent au niveau national comme local comme une « conscience citoyenne ». Un refuge pour les citoyens dont les droits sont brimés. Ce travail vaut aux militants de cette association des animosités et mêmes des procès de la part de plusieurs milieux « conservateurs » et rétrogrades. Le cas récent de Kébir Kacha, membre de l’AMDH à Khénifra interdit d’accès à la Préfecture de cette région pour traiter des demandes administratives en tant que citoyen. Le cas emblématique aussi est celui d’Omar Naji de l’AMDH à Nador qui continue de subir des procès de la part de l’ex-gouverneur de cette ville malgré qu’il ait été innocenté à deux reprises en Première Instance et en Appel. Ces militants dans les régions forcent le respect.
La force de l’AMDH est d’ailleurs ce maillage territorial rare pour une association des droits humains. Quatre-vingt dix sections, qui connaissent des destins différents, mais qui demeurent actives et donnent un état de lieux sur la situation des droits humains, les droits socio-économiques, les droits environnementaux, la lutte pour l’égalité de genre, les droits des migrants, etc. Mais pour que cette dynamique puisse durer dans ces vents contraires, elle doit faire sa mue. Les dirigeants de l’AMDH sont conscients de cette situation.
Lors du congrès, ils avaient identité au micro de ENASS quatre défis : Lutter dans un contexte mondial où la valeur des droits humains est en berne ; faire face à la répression de l’AMDH ; adapter son discours aux nouvelles réalités socio-politiques ; et trouver de nouvelles ressources. Nous ajouterons deux autres défis. Le premier est externe. Il est adressé aux réseaux de soutien de l’AMDH (réseau formel, informel, personnel, etc.).
L’AMDH, comme le tissu associatif et politique en résistance, a besoin de ces énergies, de cette force de proposition et d’action en hibernation.
Le congrès était le miroir de cette association : En plus des 350 congressistes, ils étaient des centaines d’invités venus du Maroc et de partout dans le monde pour assister à ce congrès ou à la séance inaugurale. Ces personnes constituent aussi une force de l’AMDH. C’est un immense réseau de soutien de milieux sociaux, économiques, politiques, artistiques, académiques, etc. différents mais qui se retrouvent dans les causes portées par l’AMDH. Plusieurs étaient membres, membres dirigeants même, et ils ont soit pris leur distance, soit observent la vie de cette association essentielle de loin. La force de l’AMDH n’est pas que ce franc-parler, sa radicalité, sa couverture territoriale, mais aussi sa capacité à mobiliser dans différentes classes sociales. De l’homme d’affaires (ils sont très peu) aux ouvriers, de l’acteur associatif « modéré-médiateur » à l’étudiant-activiste, toutes ces figures se retrouvent dans les causes de l’AMDH mais ne contribuent pas, d’une manière ou d’une autre dans la vie de cette association. L’AMDH, comme le tissu associatif et politique en résistance, à besoin de ces énergies, de cette force de proposition et d’action en hibernation. L’AMDH est perdante. Le secteur associatif est perdant. Les luttes sociales et politiques perdent de ce retrait.
Le deuxième critique est interne, elle est adressée à l’AMDH et ses membres, tous ses membres. Il y a tendance depuis au moins une dizaine d’années chez la direction de l’AMDH sur le recroquevillement. Un penchant à l’entre-soi marqué par une omniprésence de militants de la gauche radicale avec des figures tutélaires. Cette tendance s’est accentuée depuis 2014 et le tristement célèbre discours du ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad. La vague liberticide actuelle ne laisserait plus de place à des tentatives d’ouverture vers d’autres milieux politiques, associatifs et corporations. Les critiques sont peu acceptées ou débattues.
Ce combat doit se faire dans le partage, dans le soutien militant effectif, avec professionnalisme, courage et audace politique et humain.
Le monde bouge vite, très vite. Il est fait de bouleversements géopolitiques majeurs. La question des droits humains est remise en cause. Sa défense, son combat ne peut être l’apanage d’une seule structure, aussi symbolique et historique soit-elle.
Longue vie à l’AMDH, vaillante et ouverte sur son environnement et sur le monde !
Ce combat doit se faire dans le partage, dans le soutien militant effectif, avec professionnalisme, courage et audace politique et humain. Longue vie à l’AMDH, vaillante et ouverte sur son environnement et sur le monde !