Le monde d’après

Ahyae

Le collectif publié par Le Sélénite fait la part belle aux jeunes plumes qui défient les frontières.

Après le temps des cris, le temps de l’écrit. Ahyae, c’est un manifeste, celui des « artisans de la vie », celles et ceux qui refusent les assignations et croient à « l’identité mouvante, émouvante, réinventée, de nos personnages de fictions qui embrassent le monde d’après ». Pour ce groupe de trente artistes, écrivain.es, chercheur.es etc., qui se veulent « poètes sans livres » et « peintres sans musées », ce collectif est bien plus qu’une œuvre : « ceci n’est pas un catalogue, ceci n’est pas un livre, ce sont nos vies ». En français, anglais, arabe, darija, tamazight, et espagnol, en textes mais aussi en photos, dessins, peintures et portraits sonores, les compagnes et compagnons de route des éditions Le Sélénite, comme Ahmed El Falah, Safaa Amrani, Pierre Pascual, Achhraf Remok, Zainab Fasiki, Sofiane H., et bien d’autres, repoussent les frontières du genre, des codes sociaux et ouvrent la voie au rêve.

Brouiller les frontières

Il est question de masques, de personnages qui se réinventent, se souviennent, se projettent, se transposent, traversent les espaces et les temps. Ahmed El Falah raconte la rencontre de l’étonnante Afra, « la liberté qu’on n’ose pas. Le souffle qui ébranle nos certitudes. La nudité de nos corps confinés ». Et dans cette découverte profonde, c’est la poésie qui prend place : « un corps dans une âme qui le dépasse. Un poème qu’on n’ose pas achever ». Sofiane H. dit les mots qui n’ont jamais trouvé l’oreille ni le cœur auxquels ils étaient destinés. Anaëlle Myriam Chaaib repeint le monde de l’injustice aux couleurs métisses. Safaa Amrani fait « l’histoire d’un mot », une histoire de rencontre et d’oubli. La poétesse Soukaina Habiballah fait des écrivains le premier mouvement « eco-friendly », enveloppant les aspérités dans la merveilleuse matière des « histoires », alors que Zeid s’intéresse aux « fungal wounds », et à la dimension allégorique que le champignon peut avoir pour l’artiste en souffrance.

Il est question de personnes trans, queer, non binaires, il est question des violences de l’assignation et du rejet de la différence. Mais il est surtout question d’oubli, de secret, de réinvention, de réparation. De la réparation que permet l’écriture ou la création artistique. En revenant sur la photo d’une arrière-grand-mère, Pierre Pascual comprend que « moins j’en savais, plus je réalisais que j’étais fait du même bois : j’étais un alchimiste de feu sur le papier, un écrivain des nuits, un relieur des secrets ». Au risque d’être « un spectre qui errerait à jamais dans le musée de leurs secrets ». Car le monde d’après, c’est un monde réconcilié, apaisé, qui reconfigure la mémoire à la lumière de la sensibilité artistique. Et, au-delà de la diversité des propositions, c’est bien cet espoir que partagent ces jeunes auteurices et artistes.

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Ahyae
Collectif
Éditions Le Sélénite,188 p., 150 D

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