Nador-Melilla : Un rapport prudent du CNDH 

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Le Conseil national des droits humains publie ses conclusions préliminaires sur le drame de Nador-Melilla. Un document timoré qui pointe du doigt les autorités espagnoles. Les détails. 

De G.à D. : M. Laamarti, A. Bouayach, M. Charef, M. Bensaleh. Photo: CNDH.

Sur ce sujet brûlant, le CNDH préfère botter en touche. Le 13 juillet à Rabat, le conseil a livré ses conclusions préliminaires concernant les graves incidents de Nador-Melilla. Deux principales informations à retenir de ce document : Les origines des blessures constatés parmi les rangs des réfugiés qui demeurent inconnues selon le CNDH : « La commission n’a pu déterminer si l’origine des blessures de certains migrants qu’il a visités provenait des chutes et des bousculades ou de blessures résultant d’un recours disproportionné à la force ». La deuxième information à retenir : L’annonce de la réalisation d’une autopsie sous la supervision du Parquet de Nador. Le reste du document prend la défense des autorités et les forces de l’ordre marocaines, tout en pointant du doigt l’Espagne et…l’Union africaine. 

Raison du décès et autopsie

C’est la principale nouveauté de ce rapport. L’autopsie sur les « 23 migrants morts le 24 juin ». Dans le rapport, on peut lire : « Le Conseil prend note avec satisfaction de la décision d’effectuer des autopsies visant à déterminer les circonstances des décès, ainsi que les analyses ADN à même de garantir les droits des familles des défunts et leur inclusion dans les dossiers des procès ». Cette demande a été formulée par le tissu associatif national, africain et européen depuis le jour de la tragédie. 

En matière d’usage de la force, le CNDH observe que « les forces de l’ordre ont eu recours au gaz lacrymogène et autres armes non létales pour faire face aux tentatives massives. Les migrants ont utilisé des pierres, des bâtons et des outils tranchants pour prendre d’assaut la clôture séparant Nador et Melilla». 

Sur les raisons du décès, le CNDH postule l’hypothèse d’une « asphyxie mécanique ». Ce qui veut dire ?« Les décès enregistrés ont été causés par une asphyxie mécanique sur suffocation provoquée par la bousculade et l’agglutination du nombre important de victimes dans un espace hermétiquement clos (catastrophe de masse), avec mouvement de foule en panique », plaide l’instance présidée par Amina Bouayach. Avant de tempérer sa conclusion : « L’autopsie demeure la seule voie à même de vérifier avec précision les causes de décès dans chaque cas ». 

« Approfondir l’enquête »

Dans ce document qui se veut préliminaire, le CNDH souffle le chaud et le froid. L’institution se garde bien de pointer du doigt la responsabilité de la partie marocaine. Mais il se montre plus offensif en évoquant la responsabilité de la partie espagnole. « La commission invoque l’hypothèse de survenance de violences derrière la clôture en raison de la réticence ou de l’hésitation des autorités espagnoles à fournir l’assistance et les secours nécessaires, malgré les bousculades et l’accrochage des migrants devant les portes tourniquets restés hermétiquement fermées ; ce qui a eu pour effet probable une aggravation du nombre de décès et de blessés », avance le CNDH. 

Dans la partie « recommandations », le CNDH gagne en liberté de parole et se montre plus équilibré. L’institution adresse 13 recommandations aux autorités espagnoles, marocaines et à l’Union européenne et l’Union africaine. Nous pouvons citer la première recommandation qui est essentielle pour connaitre toute la vérité sur ce qui s’est passé le 24 juin 2022 : « Le CNDH souligne l’importance de l’approfondissement de l’enquête judiciaire pour inclure l’ensemble des aspects des affrontements, dont la proportionnalité de l’usage de la force, et le renforcement de la coopération entre les autorités concernées afin de faire face à la prolifération des groupes spécialisés dans la traite des êtres humains ». Et de rappeler le droit d’accès à l’information : « Le CNDH rappelle notamment qu’il est important de publier les résultats de l’enquête et de déterminer des responsabilités ».

Pour rappel, la commission d’information du CNDH sur Nador-Melilla était composée de Mohamed Laamarti, président de la Commission régionale des droits de l’Homme (CRDH) de la Région de l’Oriental qui a coordonné la mission. La commission était composée de Mohamed Charef, président de la Commission régionale des droits de l’Homme du Souss-Massa, Abderrafie Hamdi, du directeur de la protection et du monitoring du CNDH et de Dr. Adil Shimi, médecin et membre de la CRDH de la Région de l’Oriental.

A lire aussi: Les cicatrices du drame de Nador-Melilla

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