Racisme et autoritarisme : La sainte alliance

Le racisme et les pratiques de discriminations se généralisent des deux côtés de la Méditerranée. Au Maghreb, la Tunisie pratique un racisme d’Etat. Dans plusieurs pays européens, les politiques migratoires criminalisent les migrants et les étrangers en général. Focus par-delà les frontières des deux rives.
Palerme, capitale de l’île italienne de Sicile, était le lieu de rencontre inédit entre activistes, chercheurs et journalistes venus de Tunisie, du Maroc et de plusieurs pays européens pour évoquer la situation des droits des personnes migrantes. Dans une region qui connait les migrations, un écosystème s’est crée pour l’acceuil des migrants mais au même temps, un discours raciste est present en Italie comme en témoigne, le gouvernement d’extrême droite dans ce pays. « La tendance commune, serait la montée du discours d’extrême droite,un discours réactionnaire, et xenophobe. Ces discours utilisent l’Autre finalement pour restreindre les libertés de leur propre population au nord et au sud de la Méditerranée », observe Antonio Manganella, directeur régional Euro-Méditerranée au sein de l’organisation Avocats Sans Frontières (ASF). Cette organisation internationale qui se déroule les 18-19 mars 2025 à Palerme en Italie une conférence régionale Euro-Méditerranéenne : « Par-delà les frontières : La Méditerranée, terrain de lutte contre le racisme structurel et la criminalisation des solidarités », en partenariat avec le Département de Droit de l’Université de Palerme et le Centro di Ateneo Migrare. ENASS.ma y a pris part également. Dans ce dossier que nous publions cette semaine, ENASS.ma donne la parole à des activistes, chercheurs du Maroc, de la Tunisie de France et d’Italie, pour parler Enjeux du racisme et criminalisation de la solidarité.
« Ces discours utilisent l’Autre pour finalement restreindre les libertés de leur propre population au nord et au sud de la Méditerranée ».
Triptyque: Haine, autoritarisme et racisme
« Cette conférence visait à analyser les liens entre les politiques migratoires répressives, la montée des idéologies réactionnaires et xénophobes, le racisme structurel et la criminalisation de l’activisme, qui mettent en péril les principes démocratiques et les valeurs universelles des droits de l’homme », indiquent les organisateurs dans la note de présentation de la conférence. En faisant ce lien entre discours xénophobes, montée de la criminalisation de l’activisme et recul démocratique, les intervenants ont pu mettre en lumière ces trois dynamiques habituellement analysées de manière distinctes mais qui relèvent d’un même processus. La conférence visait aussi à lier les luttes migratoires au nord et au sud de la Méditerranée. « Nous assistons aujourd’hui à une vague d’arrestations très importante en relation avec les acteurs qui viennent au secours des migrants, qu’ils soient en mer, comme les ONG de Search and Rescue, ou qu’ils soient à terre, comme les personnes qui délivrent de l’aide, de l’aide légale, de l’aide sociale, du logement », déplore Manganella, directeur à ASF.
« Nous assistons aujourd’hui à une vague d’arrestations très importante en relation avec les acteurs qui viennent au secours des migrants ».
Résistances communes
Le cas de la Tunisie a retenu l’attention. Rappelons les (tristes) faits. Le 21 février 2023, le président tunisien Kais Saïed a qualifié la migration entrante de « plan criminel préparé depuis le début de ce siècle pour transformer la composition démographique de la Tunisie ». Il a également déclaré que « l’objectif inavoué des vagues successives de migration illégale était de considérer la Tunisie comme un État africain sans appartenance arabe ou islamique », reprenant presque mot pour mot les théories du Grand Remplacement de l’extrême droite européenne. Ce discours a légitimé la déportation massive de milliers de personnes en déplacement dans le désert tunisien, aux frontières avec la Libye et l’Algérie, à un moment où les alliances entre les régimes autoritaires nord-africains et les États européens sont renforcées par des accords d’externalisation des frontières.
« Dans ce pays qu’est la Tunisie, nous avons des collègues et des partenaires qui sont aujourd’hui en détention pour avoir juste apporté de l’aide aux migrants ».
« Dans ce pays qu’est la Tunisie, nous avons des collègues et des partenaires qui sont aujourd’hui en détention pour avoir juste apporté de l’aide aux migrants. Et au nord, c’est-à-dire en Italie par exemple, nous avons découvert dernièrement que l’État, donc les gouvernements, espionnaient des militants qui agissaient dans les sauvetages en mer », illustre cet acteur de la société civile, spécialisé dans le soutien juridique aux activistes et aux citoyens dans plusieurs pays, dont le Maroc.
Pour Antonio Manganella, directeur à ASF ce partage des expériences permet de faire des alliances pour des résistances communes. « C’est clairement quelque chose qui relie la société civile du nord et du sud de la Méditerranée. Il est important pour cela de partager des expériences de résistance et de préservation ainsi que de l’espace civique de manière générale », conclut-il.