Réformes pénales : L’OMP et ASF font le bilan de leur plaidoyer

L’Observatoire marocain des prisons (OMP) et Avocats sans frontières (ASF) au Maroc font le bilan de leur projet commun « Renforcer le rôle de la société civile dans les réformes de la chaîne pénale au Maroc ».
Les deux organisations ont tenu une rencontre le 30 juin à Rabat afin de préparer les résultats et les recommandations de ce projet de trente mois (2023-2025). Dans son mot d’ouverture, Asmaa Fakhoury, directrice-pays d’ASF au Maroc, a rappelé les objectifs de cette rencontre : « L’occasion de faire le bilan de notre projet visant à atteindre une justice pénale équitable. Une justice pénale engagée, transparente et responsable. Une justice permettant de préserver la dignité humaine », énumère-t-il.
« Le travail sur la justice pénale est dans le prolongement naturel des actions de l’Observatoire et d’un processus de réformes enclenché depuis plusieurs années ».
Me Jamai
Pour sa part, Me Abderrahim Jamai, vice-président de l’OMP, a rappelé que le travail « sur la justice pénale est dans le prolongement naturel de l’Observatoire ainsi que la continuité du processus de réformes, enclenché depuis plusieurs années, en application avec les recommandations de la Charte de la réforme du système judiciaire », rappelle-t-il.
Ce projet, déployé entre 2022 et 2025, a eu pour objectif de renforcer les capacités des organisations de la société civile en matière de protection des droits des personnes privées de liberté et de favoriser la contribution de ces acteurs à la réforme de la justice pénale, à travers la collecte de données empiriques, l’observation des audiences et la production de recommandations politiques fondées sur les réalités du terrain.
Le projet a mobilisé un large éventail d’acteurs institutionnels, juridiques et associatifs autour d’actions stratégiques visant à renforcer la protection des droits en milieu pénal. Il a permis de consolider l’aide légale aux personnes détenues et gardées à vue, de mettre en place un dispositif structuré d’observation des procès pour délits mineurs passibles d’emprisonnement, et de systématiser la collecte et l’analyse des doléances exprimées en détention.
Un projet, trois programmes

L’objectif principal de ce projet est de « promouvoir et renforcer l’Etat de droit et la protection des droits humains, via la mise en place de mécanismes d’accès à la justice accessibles aux personnes en situation de vulnérabilité et à une mobilisation plus efficace des acteurs de la société civile, en matière de plaidoyer fondés sur les preuves ».
Concrètement, l’OMP et l’ASF travaillent conjointement sur trois volets. Le premier est de permettre aux personnes détenues ou personnes en garde à vue de recevoir des services de traitement de doléances, d’aide juridique. Les deux organismes mènent une campagne de sensibilisation sur les garanties judiciaires.
Le deuxième volet est le renforcement des capacités à observer les fonctionnements de la justice, dont l’observation de procès. Le troisième volet consiste à mener un plaidoyer auprès des décideurs politiques dans l’élaboration des politiques publiques pour la décriminalisation des délits mineurs. Ce projet a bénéficié d’un financement de l’Union Européenne (UE).
Résultats du projet

Le premier objectif permet de déployer et réaliser des consultations en milieu carcéral. 260 dossiers ont été traités sur la base de critères de vulnérabilité et documenté via un formulaire digitalisé.
« L’analyse approfondie des 260 dossiers a permis d’identifier 123 cas nécessitant une aide légale (75 dossiers portant sur des procédures administratives et 48 dossiers d’assistance judiciaire devant les tribunaux) », indique le bilan officiel de ce programme.
Sur le deuxième volet, le projet permet donc la formation de 50 avocats en matière d’observation de procès, ainsi que la production d’un guide détaillé. Le projet aide à observer « 101 audiences pénales. Ces audiences ont été observées dans plusieurs juridictions au Maroc, ciblant des infractions fréquemment poursuivies qui relèvent des dynamiques de criminalisation de la pauvreté et de répression de l’activisme ». Il s’agit de délits de consommation de stupéfiants, d’outrage à agents, de mendicité, de vol simple, ou attroupements non autorisés. « Le projet réserve une importance cruciale pour les catégories sociales les plus vulnérables », insiste la directrice de ASF au Maroc. D’ailleurs, l’ASF au Maroc et dans le monde s’engage dans la Campagne internationale contre la criminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme.
« Ce projet vise à accélérer l’adoption de réformes pénales basées sur une approche des droits humains ».
Fakhoury
Le troisième volet approuve la production de cinq policy brief, relatifs à la détention préventive, la loi n°10.23 relative à l’organisation des établissements pénitentiaires, un policy brief sur l’assistance judiciaire et deux policy brief sur la criminalisation de la migration, et sur une réforme intersectionnelle du Code pénal marocain. Le projet a produit une série de recommandations pour chaque volet. Pour Asmaa Fakhoury ,« ce projet vise à accélérer l’adoption de réformes pénales, basées sur une approche des droits humains. Deux objectifs sont en perspective, l’un serait de passer d’une approche uniquement répressive à une approche d’inclusion socio-économique. L’autre objectif vise à éliminer l’héritage colonial du texte pénal ».
« L’objectif est de passer d’une approche uniquement répressive à une approche d’inclusion socio-économique ».
Fakhoury
Lors de cette rencontre de clôture, un débat sur le thème : « Vers une réforme partagée du système pénal : construire des réponses adaptées, durables et concertées » a réuni les partenaires institutionnels du projet, notamment le Barreau des avocats au Maroc, le ministère de la Justice, le Ministère public et la Direction générale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion, ainsi que les ONG partenaires de ce projet.