Résistance : fleur sauvage

Zaatar sofia karampali farhat

La poétesse gréco-libanaise Sofía Karámpali Farhat livre un premier recueil qui célèbre l’amour, la liberté et l’espoir pour un Liban meurtri.

« De guerres est tressée mon histoire. Et d’un brin de zaatar. » Ainsi s’ouvre le premier recueil de la poétesse gréco-libanaise Sofía Karámpali Farhat, qui à côté de son art et de ses activités de traductrice est chercheuse en géopolitique. Pour symboliser le Liban où elle a passé son enfance, elle choisit le zaatar, moins en tant que préparation aromatique qu’en tant que plante résistante : le thym sauvage, une plante qui s’épanouit dans les décombres. Et ils sont nombreux. En 2006, lors de la guerre israélo-libanaise, elle avait onze ans et déclarait : « Je confie ma vie à la poésie ». Depuis, les violences n’ont cessé de se déchaîner et les exils de se succéder. Mais « le zaatar unit ». Sous la triple tutelle symbolique de sa tante Fadwa, qui rêvait de voir la mer, de son père, « qui a consacré sa vie à la résistance » et de la poésie, Sofía Karámpali Farhat formule ce vœu : « Que je puisse par mes mots délier les barbelés et tresser des vers parfumés au zaatar. »

Sofía Karámpali Farhat

De langue en langue

Ce vœu sonne comme un engagement, à la suite de celui de son père, pour « un Liban libre et laïc ». Et face à la guerre et à la haine, il faut bien trois langues et trois imaginaires, arabe, grec et latin, pour recueillir les gouttes laissées par « un troupeau de lettres sauvages », pour tisser du sens, pour supporter la douleur de l’exil et de l’espoir dénoué. Sofia Karámpali Farhat est « captive d’un poème libre » qui pousse à l’intersection « du ص, du S et du Σ ». Aux silences traumatiques, elle répond par le plaisir des mots dans la rencontre des langues. Ainsi Grenade :

« Grenade, nom féminin sens 1, botanique
fruit de couleur rouge issu du grenadier
sens 2, militaire
petit projectile explosif lancé à la main
sens 3, poésie
ville andalouse
chantée par Lorca 
»

L’évocation des souvenirs d’enfance, la nostalgie amènent Sofia Karámpali Farhat à s’interroger sur ce qui reste dans l’exil, sur ce à quoi l’on donne de la valeur, loin des automatismes, sur comment adresser ce chant d’amour à sa ville natale :

« Beyrouth
viens à moi que je te déshabille

viens
j’ôterai ton vieux collier de perles confessionnelles
je nouerai à ta nuque
cette frontière parfumée
au zaatar
 »

Un très beau recueil, dédié entre autres à feu Lokman Slim, qui a reçu le Prix Ganzo Espoir 2023 et le prix CoPo 2024.

Et vous, vous lisez quoi ?

Kenza Sefrioui

Zaatar,

Sofía Karámpali Farhat,

Bruno Doucey, 96 p., 180 DH

À Lire aussi
  • Requiem gouailleur pour la Mère

    Le dernier récit de Saïd Mohamed est à la fois l’hommage funèbre à la Mère et un acte de « réalitture ». Détonnant.

    Sur la tête de ma mère saïd mohamed
    7 heures ago
  • Les professionnels de santé à Rabat mobilisés pour la Palestine

    Ce mardi 15 avril, un sit-in a été organisé à l’Hôpital Moulay Youssef à Rabat par des médecins, pharmaciens, infirmier·ère·s, étudiant·e·s et professionnel·le·s de santé. Réunis sous le slogan « la cause palestinienne est une cause nationale », ils ont exprimé leur profonde indignation face aux crimes en cours à Gaza. Les participants ont dénoncé…

    Whatsapp image 2025 04 15 at 1.39.24 pm
    12 heures ago
  • Procès de Naciri-Bioui : 5 clés pour comprendre

    Le procès impliquant des hommes politiques, élus, notaires et agents publiques autour du trafic international de drogue et du trafic d’influence entre dans sa phase décisive. Ce matin, Said Naciri sera auditionné par la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca. Cinq clés de compréhension d’un procès tentaculaire. La célèbre salle 8 de la…

    Enass media

    Actualités

    15 heures ago
  • Inscrivez-vous à la Newsletter des Sans Voix 


    Contre l’info-obésité, la Newsletter des Sans Voix