Luttes des Idées, MIGRATIONS

Visas Schengen : « Tu n’es pas fiable » 

ENASS.ma publie l’article du chercheur tunisien Wael Garnaoui* : « Le temps politique et les traumatismes de l’(im)mobilité », une publication de la Fondation Rosa Luxembourg (RLS), Afrique du nord. Nos remerciements à l’auteur et à la RLS Tunisie pour le partage de cet article. Partie 2. 

– Wael Garnaoui, Psychanalyste et maître-assistant à l’Université de Sousse

L’entretien 

« Mon fils me manquait » : le choc devant le premier refus de visa

Wael : Comment avez-vous vécu votre premier refus de visa ?

Le père : C’était inattendu.

La mère : Nous étions choquées.

Le père : J’ai demandé à ma femme de bien vérifier le passeport. Elle a fait une crise devant TLS1.

La mère :  J’étais complètement choquée, j’ai pleuré. Je me suis dit que cette fois-ci, c’était la dernière.

Wael : Quand vous avez eu votre refus, avez-vous beaucoup réfléchi avant de prendre un nouveau rendez-vous ?

Le père : Pour ma part, je me suis dit que je ne vais plus y aller. Je suis vraiment fatigué, car la procédure elle-même est vraiment fatigante. Il faut préparer les papiers, le bulletin de paie, payer les frais. Mes papiers doivent être expédiés de Tunis jusqu’ici, puisque je travaille dans l’administration régionale. Ces papiers doivent être signés par le directeur régional, puis le ministère. Il faut savoir que préparer les bulletins de paie m’a pris énormément de temps, car le système a des délais de fermeture jusqu’au 6 de chaque mois. Le consulat ne prend pas en compte tout ça. C’était épuisant pour obtenir ces papiers. Une fois qu’ils sont prêts, les papiers sont transmis au bureau d’ordre central. Il faut donc suivre, appeler tous les jours pour leur demander de les transmettre. Ensuite, je demande de l’aide auprès de mes connaissances pour que quelqu’un me fasse la faveur de me les ramener de Tunis.

Donc, je me suis senti très épuisé et dérangé. Et ma femme veut à tout prix aller rendre visite à son fils. Mon fils aussi veut qu’on aille le voir.

Wael : C’est normal, votre fils vous manque.

Le père : Oui, c’était pour mon fils, sinon je n’y serais jamais allé. J’aurais choisi une autre destination, j’aurais visité la Turquie ou plutôt la Jordanie, puisque notre passeport ne nous mène nulle part sauf dans les pays sans visa, comme les pays arabes ou en Afrique. J’ai suggéré d’aller en Turquie et j’ai demandé à mon fils de me rencontrer là-bas, par exemple.

La mère :  Mais moi, je voulais aller chez mon fils pour le voir chez lui.

Wael : Le but de votre voyage n’était pas pour se divertir, mais pour vous réunir avec votre fils chez lui.

La mère : Oui, j’ai voulu aller dans sa nouvelle maison, que je ne connais pas. La dernière fois que j’y étais, c’était dans son ancienne maison avant son mariage, je ne connais pas sa maison actuelle, surtout maintenant qu’il a eu un bébé.

(…)

Wael : En juin, vous avez eu le premier refus, et vous avez refait une demande de visa.

La mère : C’est mon fils qui nous a donné le courage de tenter une deuxième demande. Nous avons pensé que le premier refus était lié à la somme de 500 euros que nous avons inscrite sur le passeport. On s’était dit que c’était peut-être insuffisant à leurs yeux. On s’est dit que pour la deuxième tentative, nous mettrions le maximum autorisé pour le voyage, à savoir six mille dinars tunisiens par personne. Mais malheureusement, encore une fois, nous avons été refusées.

Le deuxième refus : « nous avons attendu longtemps, on aurait dit qu’on passait le bac »

(…)

« La mère : Mais mon fils me manquait, je voulais le voir. Donc, nous avons postulé pour un nouveau rendez-vous, vers décembre 2022 ». 

La mère : Mais mon fils me manquait, je voulais le voir. Donc, nous avons postulé pour un nouveau rendez-vous, vers décembre 2022.

Le père : Mais cette fois, le rendez-vous a vraiment été difficile à obtenir.

La mère : Oui, c’était difficile. Il a fallu que l’on fasse des recherches approfondies pour trouver un rendez-vous. Pour récupérer les passeports chez TLS, il a fallu se rendre à Tunis.

« Le père : C’était vraiment stressant, nous avons attendu longtemps, on aurait dit qu’on passait le bac ou le doctorat ». 

Le père : C’était vraiment stressant, nous avons attendu longtemps, on aurait dit qu’on passait le bac ou le doctorat.

« La mère : J’avais peur, mon cœur battait très vite, et au final, nous avons été refusé⋅es à nouveau. Comme c’est un refus, le passeport est accompagné d’un document supplémentaire ». 

« La mère : J’avais peur, mon cœur battait très vite, et au final, nous avons été refusées à nouveau. Comme c’est un refus, le passeport est accompagné d’un document supplémentaire ». 

Wael : Comment avez-vous réagi à ce refus ?

La mère : Moi, j’ai failli entrer dans un état de choc. Pendant la période de préparation des papiers, c’était vraiment stressant et épuisant.

Le père : Et moi aussi, j’étais dans un état de stress.

La mère :  Jusqu’à maintenant, tout cela m’affecte, je ne peux plus dormir la nuit. Je me réveille au milieu de la nuit. Cela a créé un état d’hallucination et d’insomnie à cause de ces refus, du stress, et de l’anxiété à attendre et à me demander s’ils vont nous accepter ou pas.

Wael : L’attente peut être éprouvante.

La mère : Oui exactement. La dernière fois, nous avons dû attendre environ trois semaines entre la prise de rendez-vous et le rendez-vous. Mais l’autre grande attente, c’est pour avoir le rendez-vous. Et là, ça se compte en mois et non pas en semaines.

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Troisième refus malgré l’attestation de la nationalité française

La mère : Oui, cette fois-ci, nous avons fait une tentative avec mon fils, surtout parce que sa femme a la nationalité. C’est elle qui était responsable de toutes les démarches.

Nous avons inclus toutes les pièces justificatives nécessaires dans l’ensemble du dossier.

Le père : Nous n’avons négligé aucun document, et à chaque demande de leur part, nous nous sommes systématiquement assurées de leur fournir tout ce qu’ils demandent. C’est la troisième fois que nous faisons face à un refus par la France.

Wael : Comment avez-vous vécu cette situation ? Vous avez envisagé de refaire une nouvelle demande ?

La mère : Au début, j’ai dit à mon fils que c’était terminé, et que nous ne retournerions pas. Puis, un peu d’espoir a surgi en moi, et je me suis dit : « Peut-être que mon fils initiera la procédure de visite familiale et qu’ils accepteront cela. » C’est comme ça que j’ai à nouveau eu espoir. Il existe un groupe sur Facebook que je consulte pour obtenir des informations, et des personnes partagent leurs conseils quand on cherche des solutions pour s’en sortir. Nous avons suivi toutes les procédures. Mon fils a également effectué les démarches, et nous espérions être accepté⋅es. Cependant, ultérieurement, nous avons reçu un refus.

« Tu n’es pas fiable » : du choc au repli

Wael : Excusez-moi, pourriez-vous me rappeler quel était le motif du refus en décembre 2022 ?

La mère : La raison du refus était toujours la même, et je doute qu’ils aient même examiné le dossier. Il est également possible qu’ils aient eu recours à un tirage au sort. C’est comme s’ils avançaient des excuses en suggérant un manque d’argent pour le retour, alors que j’avais bien acheté un billet aller-retour.

Le père : Et ils avancent l’argument que « vous n’êtes pas fiables ».

Le soeur (Ahlem) : On plaisante parfois à la maison en se taquinant avec l’expression « tu n’es pas fiable » (مكش fiable).

Wael : Donc, vous avez changé de stratégie, mais on vous a répondu que « vous n’êtes pas fiables ».

La mère : Oui, une fois de plus, les mêmes phrases reviennent : « vous n’êtes pas fiables », « vous n’avez aucune intention réelle de quitter le pays après votre séjour », même si le billet a été payé, entraînant ainsi une perte financière.

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Ahlem : La justification de mon refus est légèrement différente, mais elle englobe les mêmes raisons que les leurs, et elle correspond au motif numéro 5.

Le père : Pour la troisième fois, ils nous ont refusées. C’était en juin 2023. Nous affirmons avoir accompli toutes les démarches nécessaires à nouveau. (…) Nous avons économisé 6 000 dinars par personne, ce qui totalise 12 000 dinars inscrits sur nos passeports. Nous avons fourni tous les documents demandés. Une fois sur place, ils nous remettent une enveloppe. Tout s’écroule. Tu découvres la même feuille mentionnant que « tu n’es pas fiable ».

Wael : Quelle a été votre réaction à nouveau ?

« La mère : J’étais nerveuse, j’ai beaucoup pleuré, je me suis enfouie sous la couette ». 

La mère : J’étais nerveuse, j’ai beaucoup pleuré, je me suis enfouie sous la couette

Wael : Pourquoi sous la couette ?

La mère : Je me disais que ce serait bien de pouvoir me planquer, et m’enterrer complètement.2

Quatrième refus et indignation : « Comment nous regardent-ils ? Le regard colonial persiste toujours ! »

Wael : Oui, c’est une émotion intense, étant donné qu’ils te privent de ton droit. Vous avez tout à fait le droit, et vous disposez de votre propre argent et vous avez effectué tous les paiements nécessaires.

Le père : Sans remboursement des frais. En contrepartie, ils ont le droit d’entrer dans notre pays à leur convenance. Nous les accueillons avec des danseuses, des représentations traditionnelles(ماليا), et un spectacle de folklore tunisien (بندير).

Ils arrivent avec un budget modeste de 1000 euros, mais ils réussissent à bien s’en sortir. En comparaison, il nous faut dépenser 12 000 dinars pour une seule semaine, ce qui pourrait couvrir nos dépenses ici pendant toute une année.

Wael : 12 salaires pour l’employé, le paradoxe.

Le père :  Avec seulement 1 000 euros, il est difficile de survivre même un mois là-bas, alors que 12 000 dinars peuvent nous nourrir toute une année ici. Et malgré cela, tu vois ce qu’ils nous font. Cela implique que nous sommes méprisées (حقرة) ou marginalisées (مهمش حاسبينا), privées de toute dignité (ما عندناش كرامة). Comment nous regardent-ils ? Le regard colonial persiste toujours ! Je ne comprends pas. Et n’oublions pas la fatigue et le stress que j’ai endurés.

Wael : Cela vous éloigne également de votre fils, en vous obligeant à accomplir l’impossible pour être réuni avec lui.

Le père : Il ne faut pas oublier qu’ils ont cru que nous allions rester là-bas illégalement, alors que j’ai mon travail ici et que je vais bientôt prendre ma retraite. J’ai mes projets ici. Donc, il est impossible que je quitte mon pays pour rester là-bas illégalement. Jamais je ne laisserai tomber ma vie ici. La dernière fois, nous avons mentionné dans nos documents pour l’Italie que nous avons des propriétés ici. Ma femme a aussi ses propriétés et sa fortune ici. Il faut préciser qu’avant d’obtenir nos visas et après être revenues deux fois, nous n’avions aucune intention de rester illégalement.

(…)

Wael : Comment vous est venue l’idée de présenter une demande de visa au consulat d’Italie ?

La mère : Puisque la France ne donne aucun résultat, mon fils a proposé qu’on aille vers un autre pays, et de là, on peut se rendre en France. Donc, on a choisi l’Italie.

Wael : Il a trouvé facilement un rendez-vous ?

La mère : Oui, il a trouvé un rendez-vous, et il a cru qu’avec l’Italie ce serait peut-être plus facile. Parce que la France a fixé son quota à 70 %. On est passé par l’ensemble des procédures à nouveau, et nous avons déposé cette fois-ci l’attestation de nos propriétés ici en Tunisie. (…) Mon fils dit qu’il paie toujours ses impôts et ne comprend pas pourquoi la France interdit à sa famille de lui rendre visite. Il cherche toujours à trouver une autre solution pour obtenir un visa. De notre part, nous n’aurions pas dû laisser passer cela facilement, nous aurions dû faire un recours.

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Les refus de visas et les conséquences sur les liens intrafamiliaux

Wael : Vous avez traversé une période difficile, au sein de votre famille, quand ils ont refusé vos visas.

Le père : C’est vrai, oui. Je ne me sens pas bien du tout, j’ai perdu mon argent. Et j’insiste dessus pour que ma femme ne me parle plus de ce sujet encore une fois à cause de ces perturbations. Ma relation avec ma femme n’est plus comme avant, plus stressante, la tension monte. (…) Oui, c’est vrai, je me dispute souvent avec ma femme. (…) C’est une sorte de punition.

La mère : Surtout que cette fois-ci, avec l’Italie, mon mari m’a dit qu’ils vont refuser de nous donner le visa, mais moi, je me suis dit que non, ce n’est pas la France. (…) Je sais que même des cadres et des directeurs ont été refusés. Par exemple, il y a le directeur de mon mari qui s’est vu refuser un visa aussi.

La mère devant les symptômes du post-refus : « il est naturel d’être présente aux côtés de mes petits-enfants »

La mère : La période des refus a été stressante et fatigante, avec de l’insomnie, de l’angoisse.

Le père : Elle a eu des crises d’anxiété. 

La mère : Un de mes symptômes est la palpitation rapide de mon cœur et l’angoisse. Ces symptômes persistent jusqu’à aujourd’hui, et le refus continue de me perturber. En particulier la nuit, j’éprouve une douleur au cœur.

Wael : Est-ce que vos pensées vous hantent, aussi?

La mère : Oui, tout le temps. Mes pensées sont souvent occupées par mon fils, et je ressens des regrets de ne pas lui rendre visite. J’ai vraiment le désir de les voir, lui et ma petite-fille, et de la prendre dans mes bras. L’idée de cuisiner pour eux, car ils sont seules. En conséquence, je trouve difficile de dormir en raison de ces pensées. (…) Par moments, j’ai le sentiment qu’il est naturel d’être présente aux côtés de mes petits-enfants, d’autant plus que leur autre grand-mère est décédée. Je souhaitais être aux côtés de ma belle-fille lorsqu’elle en avait besoin et lui préparer des repas…

Wael : As-tu fait des cauchemars récemment ?

La mère : Oui, j’ai régulièrement fait beaucoup de cauchemars.

Wael : Bien sûr, pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ces cauchemars ? Ou bien c’est quelque chose de personnel ? 

La mère : Ma maman est décédée, je fais beaucoup de cauchemars à son sujet.

Wael : Tous ces cauchemars sont liés à votre mère ?

La mère : Oui, je me réveille la nuit assoiffée et avec la gorge sèche. J’ai mal au cœur aussi.

Wael : Les refus que vous avez vécus ont activé des cauchemars en relation avec votre mère. Cela réactive l’angoisse de la perte d’un être cher au sein de la famille.

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Le père devant les symptômes du post-refus : « Je ressens de la colère envers moi-même, envers eux, envers le système »

Wael : Et vous, Monsieur, comment est-ce que vous avez vécu tous ces refus inattendus

Le père : J’ai continué à faire les procédures pour ma femme, et aussi pour ne pas créer de problèmes. Moi, j’aime la paix. C’est elle qui a voulu à tout prix gâcher son argent. ( حطتهم في التوالات و جبدت عليهم السااش). Mais moi, j’étais sûr qu’ils allaient refuser, et pas seulement cette fois, mais les autres fois aussi, parce qu’à chaque fois on mettait toutes les pièces demandées. Personnellement, je ne trouve pas du tout crédibles les histoires de tirage au sort et les jeux de pari. En cas d’incertitude, je n’aime pas prendre de risques.

Wael : À votre avis, quelles pourraient être les raisons de ces refus ?

Le père : À mon avis, ce sont des raisons politiques. C’est la raison initiale et elle a été mentionnée à la télévision, selon laquelle la Tunisie n’a pas fait un grand effort pour arrêter ceux qui quittent le pays pour l’immigration illégale. Et donc, pour les punir, ils ne donnent plus le visa à 100 % légalement, seulement pour 70 % des gens. J’ai subi d’importantes pertes financières, je suis fatigué, et les démarches m’ont épuisé. Prenons pour exemple la dernière dépense, les trois certificats de propriété qui m’ont coûté 160 dinars. Je suis dégoûté, je ne veux plus y aller. Même avant, je n’avais pas envie d’y aller (طارتلي). À moins qu’il y ait une décision politique de leur part qui puisse changer la situation, sinon, nous risquons de répéter les mêmes procédures, les mêmes démarches et d’obtenir les mêmes résultats. (…)

Wael : Quelle a été la chose la plus douloureuse dans les refus ?

Le père : J’ai honte de l’admettre, c’est comme si j’avais commis une faute ou que j’étais considéré comme un voleur. Je pense que c’est pourquoi ils ne m’ont pas accordé le visa.  Dans mon lieu de travail, lorsque mes collègues me posent la question, « Monsieur, ont-ils approuvé votre visa ? », je préférerais qu’ils ne me posent pas cette question et j’essaie d’éviter la conversation. Ils répètent souvent : « Mais c’est la quatrième fois !? » Ils sont en train de compter. Ils demandent : « Combien ça coûte ? », je leur réponds : « Mille dinars à chaque fois ».  Ils répliquent : « Mais c’est trop cher ! ».  Je ressens de la colère envers moi-même, envers eux, envers le système !

Je me demande pourquoi eux, les Européen⋅nes, peuvent entrer quand ils veulent, tandis que moi, je dois fournir 60 documents, dépenser de l’argent et perdre mon temps.

L’impossibilité d’avoir un RDV, et quand le virtuel prend la place du réel

La mère : Récemment, je n’ai pas trouvé de disponibilité pour les rendez-vous. C’est ce que j’ai constaté aussi dans les groupes Facebook, que maintenant le problème réside dans la disponibilité des rendez-vous plutôt que dans le visa lui-même. J’ai récemment supprimé tous les groupes car ils deviennent agaçants. Celui-ci a fait ceci, celui-là a fait cela…  J’ai vu que la procédure pour un simple RDV prend plus de trois mois d’attente, même un an.

Wael : À la suite de tout cela, quelle est votre opinion sur la question d’un voyage chez Hassen ?

La mère : Mon fils ne veut pas abandonner. Il affirme qu’il veut retenter pour que nous puissions obtenir le visa et aller le voir. Cette fois, s’ils refusent à nouveau, il ne restera pas silencieux. Il refuse d’accepter le fait que ses parents ne peuvent pas venir le voir malgré son travail et le paiement de ses impôts. C’est ainsi qu’il voit la situation. Son père ne souhaite pas cela, de son côté. Honnêtement, si on me dit de refaire la procédure, je le ferai.

Le père :  C’est ce que je n’arrive pas à comprendre.

La mère : Pour ma part, je ne veux pas abandonner. Je tiens vraiment à y aller.

Wael : Comment communiquez-vous avec Hassan ?

La mère :  Via Messenger, on s’envoie des messages.

Wael : Vous lui donnez des conseils concernant votre petite-fille?

La mère : Oui, tout à fait.

Wael : Cela signifie que vous assumez le rôle virtuellement au lieu de le lui offrir en personne là-bas.La mère : Seulement verbalement.

*Wael Garnaoui est docteur en psychanalyse et psychopathologie de l’Université Paris 7. Maître-assistant à l’Université de Sousse.
La publication initiale de cet article a été soutenue par la Fondation Rosa Luxemburg bureau Afrique du Nord. Les auteurs de cette publication portent l’entière responsabilité de son contenu et ne reflète pas obligatoirement l’opinion de la Fondation.

Lien originale de la publication (avril 204) à télécharger ici :

https://rosaluxna.org/fr/publications/les-politiques-de-visa-et-les-traumatismes-de-limmobilite/


  1. Créée en 2008, TLS Contact (qui se pose en intermédiaire pour les demandes de visas) est une entreprise partenaire majeure des États dits Schengen. Spécialisée dans les services aux représentations diplomatiques, cette entreprise est une branche de la compagnie de télécommunication Teleperformance Group, une multinationale à capital français. L’émergence d’un « champion national », une compagnie ayant une identité nationale mais aspirant à jouer un rôle global, remonte à l’année 2007. Depuis 2022, l’agence TLS a regroupé les consulats de Belgique, d’Italie et de France dans un même bâtiment situé au Lac 2 à Tunis, une configuration qui n’existait pas auparavant.
    ↩︎
  2. Ferenczi désigne le non-dit et le silence concernant l’événement-choc comme principaux facteurs traumatogènes. L’expérience dramatique devient une « enclave morte-vivante » gardée au secret dans la psyché du patient.
    ↩︎

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