Moudawana : Décalage entre loi et pratiques  

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Des sociologues accompagnés par de jeunes chercheurs se sont saisis du débat actuel sur la réforme du Code de la famille. Ils ont mené une enquête de terrain au sein du Tribunal de la famille de Casablanca. Retour sur leur démarche scientifique à portée sociétale .

C’est une nouvelle publication du Laboratoire de recherche Socio anthropologique sur les Différenciations Sociales (Ladsis). La spécificité de cet ouvrage est qu’il est réalisé conjointement avec des professeurs du Département de sociologie de Casablanca et leurs étudiants du Master « Organisations et institutions sociales ». Le livre a été présenté la première fois au Salon international du livre et de l’édition (SIEL), le 14 mai dernier.

Ecarts entre la loi et les pratiques

« L’idée de départ était de faire participer les étudiants en tant que citoyens dans ce débat actuel ».

Leila Bouasria

Leila Bouasria, sociologue et spécialiste de la sociologie de la famille a été la coordinatrice de ce projet de recherche, elle revient sur la genèse de cette enquête sociologique : « L’idée de départ était de faire participer les étudiants en tant que citoyens dans ce débat actuel à travers un travail sociologique de terrain », rappelle-t-elle. Et de poursuivre : « Les étudiants ont été accompagné par Pr Nouzha Guessous à travers un séminaire durant leur formation du Master. Cette démarche a permis un aller-retour entre le terrain et le travail de restitution et d’analyse.

« L’objectif final est de donner une perspective sociologique sur les usages du Code de la famille »

Leila Bouasria

 L’objectif final est de donner une perspective sociologique sur les usages du Code de la famille », insiste l’autrice du livre « Les ouvrières Marocaines en mouvement : Qui paye ? qui fait le ménage et qui décide ? ». Parmi les conclusions de cet ouvrage c’est « l’écart entre la loi et son application sur le terrain. Le travail a pu montrer que cette application de la loi est un processus, fait de différentes étapes », résume l’enseignante-chercheure à la FLSH Ain Chock.

L’ouvrage est le fruit de plus de soixante entretiens qualitatifs menés avec des usagers du service de la justice familiale.

L’ouvrage est le fruit de plus de soixante entretiens qualitatifs menés avec des usagers du service de la justice familiale (hommes et femmes), des magistrats, avocats, huissiers de justice, assistantes sociales, greffiers et associations de la société civile. Le terrain  a été mené par les étudiants entre octobre 2022 et janvier 2023 sous l’encadrement Pre Leila Bouasria.

Contenu de l’ouvrage

Cet ouvrage se décline en trois chapitres. Le premier intitulé « Le regard de la sociologie de la famille sur les usages de la Moudawana », il est le cœur de la recherche sociologique en question, et se compose de cinq parties.  Le premier papier traite de l’article 49 de la Moudawana. Les auteurs de ce papier (AbirBelkas, Mahmoud Boublil, Aya Bouyakhlef, Mohamed Essafi, Hicham Ramram et Imane Sellami) décrivent cette disposition législative comme « une révolution législative limitée par les pratiques ».

Le deuxième article a été réalisé par les étudiants-chercheurs Loubna Benrabeh, Ahmed Amine Bentammar, Linda Khedim et Meriem Moukhtariaautour du thème de la procédure de conciliation « entre lois et pratiques : Au prisme de quatre acteurs ». 

Le troisième article concerne l’enjeu crucial de cette réforme, la garde et la tutelle. Merieme Azizeddine, Taha Gabli et Mohammed Ghazal ont décrit cette disposition comme suit : « Le Code de la famille au Maroc à l’épreuve de la réalité : Écart entre tutelle et garde ». 

Le quatrième article traite du sujet épineux de la pension alimentaire de la femme divorcée. HouriyaAatiq, Chama Bendoum, Salaheddine Lemaizi, Soumia Oubah et Safaa Yamoul décrivent cette pension comme un moment où le « « judiciaire » déborde vers le « social ». 

Enfin le cinquième article concerne le don de consolation. « Au-delà la Moudawana, quelques stratégies des hommes et des femmes autour de la Mout’â » est l’intitulé de ce papier signé par JadAbanouas, Younes Nadifi et Ouallaf Najat. 

Le chapitre 2 porte un regard à partir de la sociologie du droit sur la moudawana. L’analyse réalisée par les étudiants encadrés par la sociologue Sana Benbellis’intéresse à la « la fabrique » socio-juridique de la Moudawana. Enfin, le chapitre 3 traite de la couverture médiatique de la Moudawana. Il traite des formes de « Polarisation, désinformation et conformisme », décrits dans ces contenus. 

Les étudiants et l’équipe du Laboratoire Le LADSIS expriment ainsi un « engagement avec responsabilité dans cette réflexion autour d’un projet qui requiert l’implication de toutes et de tous », soulignent-elle dans l’annonce de ce projet. Ce livre permettra de croiser les perspectives entre les différents acteurs (étudiants et universitaires, acteurs du système judiciaire et représentants de la société civile) en vue de porter des regards pluriels sur les discussions autour de l’actuelle réforme du Code de la famille. 

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