Scènes de racisme « ordinaire » à Casablanca

Casablanca

Le racisme n’est pas un fait ordinaire. Les discriminations racistes sont punies par la loi. À Casablanca, une altercation entre deux personnes a vite tourné à une agression raciste. Récit 

Il est 14h près de la station du tramway « Marché central » à Casablanca, les usagers du tram pressent le pas pour prendre ce transport en commun. L’après-midi est calme dans le vieux centre-ville de la ville blanche.  Soudain, un cri brise la monotonie ambiante. Un agent responsable au sein de cette station, interpelle un jeune homme de couleur noire et le somme de quitter immédiatement la plateforme des rails du tramway. Le jeune semble ignorer le message de l’agent sur le risque d’enjamber la plateforme. Le tramway est à quelques mètres d’arriver à la station. L’agent est pris de panique, il pousse le jeune homme hors de la plateforme. L’accident est évité de justesse. L’incompréhension est complète de part et d’autre.

Agressions de part et d’autre

La communication entre les deux personnes est cependant impossible. Le jeune homme de couleur, estime qu’il s’est fait agresser par l’agent et proteste contre ce dernier. L’agent marocain considère qu’il a agit pour protéger la vie du jeune homme et dans le cadre de sa responsabilité. Le jeune homme noir maitrise peu le français. L’agent est dans la même situation. Seul le langage de la violence domine, les deux personnes en viennent aux mains. Cet accrochage parait « ordinaire » dans une ville métropolitaine comme Casablanca. La violence physique et verbale omniprésente dans cet espace urbain, s’est transformée en actes de racisme envers cette personne noire.

Une scène de « hogra » à la marocaine se produit. Plusieurs agents du tramway entourent le jeune noir, le menacent de représailles.

La foule s’agglutine autour de la scène d’altercation se déroulant entre les deux jeunes hommes. L’étranger noir se sent dépassé par la tournure des événements. Le Marocain, agent du tramway, qui estime avoir « subi une agression physique » appelle en urgence ses collègues et son responsable. Ces derniers arrivent prêt à en découdre. L’un deux, prend à parti le jeune exilé, l’agresse physiquement et verbalement. Une scène de « hogra » à la marocaine vient de se produire. Plusieurs agents du tramway entourent le jeune, en le menaçant de représailles. 

Lynchage public

Enass media photo casa
Abri de fortune au campement d’Ouled Ziane, à Casablanca, novembre 2023. ENASS. 

Une litanie de clichés et stéréotypes est lancée à la figure du jeune noir qui serait dépassé par les événements.

La foule ne tarde pas à participer à une scène de lynchage public. L’agression reste limitée au verbale. La parole raciste se délie : « Si on les laisse ces étrangers se comporter ainsi, ils s’en suivraient surement envers nous agressions au quotidien » ; « ces noirs sont devenus trop nombreux » ; « Moi, je connais bien les Africains, ils sont dangereux ». Une litanie de clichés et stéréotypes est lancée à la figure du jeune homme qui est dépassé par le cours des choses. 

Des Marocains présents lors de la scène expriment leur refus face aux comportements racistes.

Des hommes et des femmes marocains expriment aussi leur refus face aux comportements racistes des autres citoyens. Ils contestent le traitement réservé au jeune homme : « Nous n’avons pas le droit de le traiter de cette manière » ; « vous n’avez pas le droit de le toucher » ; « Ce sont nos frères ». Ces propos épris de tolérance attisent la haine parmi la foule. Un homme, visiblement ivre, agresse physiquement le jeune homme noir. Il lui donne un coup sur le dos. Le migrant arrive à esquiver cette agression. Des gens protestent face à ce comportement indigne. L’agresseur passe son chemin et quitte les lieux. Le jeune homme noir est retenu par les agents du tramway qui appellent la police. Agressé et insulté, le jeune étranger tente de fuir, sans succès. Il laisse échapper un petit couteau. « Regardez ce que cache cette personne dangereuse », vocifère l’un des agents. Cette découverte laisse fuser une nouvelle salve de propos racistes sur la délinquance des étrangers. 

Après quelques minutes, des agents de police (brigade des motards) arrivent à la station du tramway. L’agent interpelle le jeune homme noir : 

  • Policier : Bonjour, vos papiers s’il vous plait ? 
  • Migrant : hum…
  • Policier : Je vous demande une pièce d’identité s’il vous plait, passeport, carte de séjour Monsieur ? 
  • Migrant : (le jeune maitrise peu le français)

Les questions du policier sont restées sans réponses. Le jeune homme est visiblement un sans-papier. L’homme en uniforme met les menottes au jeune homme étranger et l’embarque avec lui à bord de sa moto. La vox populi crie victoire. Ce qui était au départ un malentendu, un manque de communication s’est transformé en une agression physique et verbale. Sans chercher qui a raison ou qui a tord, dans cette scène casablancaise devient (hélas) « ordinaire », un simple malentendu a généré des comportements racistes. Morale de ce fâcheux malentendu : Sans sensibilisation et sans travail interculturel de fond dans les populations, ces scènes devront inévitablement se reproduire. 

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