Droit d’asile : « L’année Trump » vue du Maroc

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La situation des réfugiés et des demandeurs d’asile au Maroc subit de plein fouet les effets de la politique américaine de baisse de leurs financements. François Reybet-Degat, représentant du Haut-commissariat des réfugiés au Maroc revient sur les conséquences des décisions américaines.

À l’occasion de la Journée internationale des réfugiés, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) au Maroc a tenu le 20 juin dernier un point de presse, au Centre d’information des Nations Unies à Rabat. Un moment pour faire le point, alerter, mais aussi honorer le courage et la résilience de celles et ceux qui, malgré l’épreuve, poursuivent leur chemin. 

Un système au bord de la rupture

Le tableau dressé par le HCR est sans appel : la crise du financement humanitaire frappe de plein fouet.

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Le tableau dressé par le HCR est sans appel : la crise du financement humanitaire frappe de plein fouet. Depuis début 2025, l’agence a été contrainte de réduire d’un tiers sa taille mondiale, avec des répercussions immédiates au Maroc. À Rabat, les effectifs sont passés de 50 à 34 personnes. Pourtant, « l’affluence ne diminue pas : entre 80 et 300 personnes se présentent chaque jour, et près de 20.000 entretiens individuels sont menés chaque année », explique le représentant du HCR. Les missions d’accueil, d’enregistrement et de traitement des demandes de statut de réfugié deviennent de plus en plus complexes à assurer, et les délais d’attente pour le traitement des dossiers risquent de s’allonger davantage. Le HCR avait informé le public de ces décisions difficiles, ce qui n’a pas manqué de créer des tensions entre les demandeurs d’asile et le staff du HCR à Rabat. 

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Au bureau du HCR Rabat, les effectifs sont passés de 50 à 34 personnes.

Le temps sont durs pour le HCR dans le monde et surtout pour les réfugiés. Dans son message mondial, le HCR rappelait que « à l’heure où l’incertitude règne à l’échelle mondiale, où les discours privilégient l’intérêt personnel au détriment de l’humanité, où le nombre de personnes déplacées de force atteint un niveau record et où les coupes budgétaires brutales dans l’aide humanitaire mettent des millions de vies en danger, il est plus urgent que jamais de faire entendre notre voix et de faire preuve de solidarité envers les réfugiés », peut-on lire dans le message cette institution onusienne. 

Mais au cœur de cette tension permanente, quelques signes d’espoir subsistent. Le représentant du HCR souligne « l’existence d’expériences d’inclusion réussies, rendues possibles grâce à des dynamiques locales, à l’implication d’acteurs de terrain. Autant d’éléments qui permettent à certain·es réfugié·es de reconstruire peu à peu leur vie, de retrouver un équilibre et de participer à la vie sociale et économique du pays », indique-t-il. 

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« Ce que nous faisons reste insuffisant, face à l’ampleur des besoins, nous ne pouvons pas tout. Mais nous devons continuer. »

François Reybet-Degat

Et pourtant, derrière ces récits, une autre réalité persiste. Une réalité marquée par la grande précarité, notamment chez les demandeur·ses d’asile, souvent porteur·ses d’histoires douloureuses, d’exils violents, de traumatismes profonds. « Ce que nous faisons reste insuffisant », reconnaît François Reybet-Degat. « Face à l’ampleur des besoins, nous ne pouvons pas tout. Mais nous devons continuer. »

Un 20 juin pour comprendre et agir

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Malgré ces tendances alarmantes au niveau mondial comme national, la Journée mondiale des réfugié·es nous rappelle que des millions de personnes sont arrachées à leur vie, plongées dans l’exil loin des regards et dans le silence. Fuir la guerre, la répression, les persécutions ; abandonner ses repères, ses proches, son foyer…C’est le destin contraint de femmes, d’hommes et d’enfants qui n’aspirent qu’à une chose : vivre en paix.

Le thème choisi cette année, « Pour un monde solidaire avec les personnes réfugiées », va bien au-delà de la symbolique : il pose l’urgence d’un engagement collectif, durable et humain.

« Ce sont des enfants, des jeunes filles, des hommes et des femmes. Ils pourraient être vous ou moi. Ils arrivent avec leurs croyances, leurs langues, leurs compétences, leur dignité »

représentant HCR

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François Reybet-Degat, représentant du HCR au Maroc, l’a rappelé avec force : derrière les statistiques, il y a des vies « Ce sont des enfants, des jeunes filles, des hommes et des femmes. Ils pourraient être vous ou moi. Ils arrivent avec leurs croyances, leurs langues, leurs compétences, leur dignité. ». Ce rappel essentiel vient contraster avec une réalité de plus en plus alarmante : en 2024, le nombre total de personnes déplacées de force a atteint un record mondial de 123 millions, dont 43 millions sont des réfugié·es, dont 6 millions de Palestinien·nes. Une courbe qui ne cesse de grimper pour la 13e année consécutive, portée par des conflits longs, violents, et une instabilité géopolitique profonde. 

En 2024, le nombre total de personnes déplacées de force a atteint un record mondial de 123 millions, dont 43 millions sont des réfugié·es, dont 6 millions de Palestinien·nes.

19.000 parcours d’exil au Maroc

Le Maroc accueille aujourd’hui près de 19.000 réfugié·es et demandeur·ses d’asile, venu·es de 59 pays différents.

Selon les dernières données du HCR, le Maroc accueille aujourd’hui près de 19.000 réfugié·es et demandeur·ses d’asile, venu·es de 59 pays différents. Ils vivent dans 81 villes et localités à travers le pays. « Ces trajectoires ne sont pas figées dans la marginalité : elles sont aussi faites d’intégration, de résilience, et de contribution sociale et économique », souligne François Reybet-Degat. 

Mais pour que cette dynamique tienne, il faut plus que des intentions : il faut des moyens, des engagements durables, une mobilisation sur tous les fronts. Les personnes réfugiées ne réclament ni charité ni compassion, mais le droit à la protection, à la dignité, et à un avenir là où elles sont. En ce 20 juin, le message est sans détour : il est temps de faire plus, collectivement. « Parce que derrière chaque parcours, il y a une vie, un talent, une histoire et une responsabilité que nous partageons », conclut le représentant du HCR.

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