Nador, ville-symbole de l’externalisation des frontières de l’UE

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Lors du deuxième panel sur « Protection, vulnérabilités et droits », organisé dans le cadre du Festival Madar qui s’est tenu du 15 au 17 janvier au Cinéma Ritz à Rabat, Saïd Haddad, président de la section Nador de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), a livré un témoignage sur la situation des migrants dans cette région frontalière. Les détails.

S’appuyant sur des données documentées par l’association, le président de l’AMDH Nador a dénoncé les multiples violations des droits fondamentaux auxquelles les migrants et demandeurs d’asile sont confrontés, dans un contexte de politiques migratoires répressives et de conditions de vie extrêmement précaires.

Droits fondamentaux en péril

Ces engagements restent théoriques, faute d’une véritable mise en œuvre sur le terrain.

« Le Maroc a ratifié plusieurs conventions internationales majeures, comme la Convention de Genève de 1951 et la Convention internationale de 1990 sur les droits des travailleurs migrants. Mais ces engagements restent théoriques, faute d’une véritable mise en œuvre sur le terrain », a-t-il déclaré. Il a également rappelé que la stratégie nationale de migration et d’asile, adoptée en 2014, visait à garantir l’intégration des migrants et leur accès de manière égalitaire aux services publics. « Malheureusement, les objectifs de cette stratégie ne se traduisent pas des faits tangibles, laissant les migrants dans une précarité constante », a-t-il ajouté.

Malheureusement, les objectifs de cette stratégie ne se traduisent pas par des faits concrets, laissant les migrants dans une précarité constante.

Le droit à la vie, droit humain fondamental, est fréquemment bafoué dans la région. Le président de l’AMDH Nador a cité plusieurs exemples tragiques, notamment la mort d’une femme nigériane et de ses trois enfants dans un incendie à Gourougou en janvier 2022, ainsi que la tragédie du 24 juin 2022, où 27 migrants et demandeurs d’asile ont trouvé la mort en tentant de franchir la frontière entre Nador et Melilla. « Ces drames se révèlent d’une gestion défaillante des flux migratoires. Il est inadmissible que ces pertes humaines continuent de se produire sans qu’aucune mesure sérieuse ne soit prise », a-t-il insisté.

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« Lors de la tragédie de Melilla, 76 disparus ont été recensés par notre bureau local. Les familles sont laissées sans nouvelles, et sans l’assistance requise qui leur permettrait de retrouver leurs proches. Pire encore, certaines familles subissent des intimidations, et d’autres ont été arrêtées lorsqu’elles ont tenté de se rendre à Nador ou à Oujda pour chercher quelques utiles informations

Dans ce même contexte, un focus a été fait concernant les disparitions de migrants sur les routes migratoires, ce qui constitue également une crise humanitaire majeure. « Lors de la tragédie de Melilla, 76 disparus ont été recensés par notre bureau local. Les familles sont laissées sans nouvelles, sans aucune assistance pour retrouver leurs proches. Pire encore, certaines familles subissent des intimidations, et d’autres ont été arrêtées lorsqu’elles ont tenté de se rendre à Nador ou à Oujda pour chercher des informations », affirme-t-il.

Arrestations, expulsions et irrégularités judiciaires

La région de Nador connaît également des expulsions forcées et des mauvais traitements infligés aux migrants, ce sont des pratiques courantes, comme l’a dénoncé Saïd Haddad. « Les autorités procèdent à des arrestations massives, souvent suivies de dispersions forcées dans des régions reculées et isolées. Ces expulsions se déroulent dans des conditions climatiques extrêmes, avec confiscation des biens personnels des migrants, entre autre leurs téléphones et leur argent », a-t-il expliqué, soulignant ainsi que « les centres de détention, comme celui d’Arkmane, accueillent également des migrants dans des conditions inhumaines ».

Dans ce même cadre, le militant a consacré une partie de son intervention aux procès intentés contre les migrants et demandeurs d’asile, qu’il considère comme une autre facette des violations documentées par l’AMDH. « À la suite de la tragédie de Melilla, 87 migrants ont été traduits en justice, accusés notamment d’immigration illégale et de trafic d’êtres humains. Ces procès ont révélé de graves irrégularités : des procès-verbaux signés sous contrainte ou sans traduction, des accusations non étayées par des preuves, et des peines excessives pouvant atteindre jusqu’à 10 ans de prison », a souligné Saïd Haddad.

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Le Maroc doit respecter ses engagements internationaux et adopter des lois garantissant les droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile.

Face à ces nombreuses violations, Saïd Haddad a exposé les revendications de l’AMDH. « Nous demandons l’ouverture d’une enquête internationale sur la tragédie de Melilla, pour révéler ce qui s’est passé lors d’événements du 24 juin 2022 et garantir justice aux victimes », a-t-il affirmé. L’association appelle également à une réforme des lois marocaines sur la migration et l’asile. « Le Maroc doit respecter ses engagements internationaux et adopter des lois garantissant les droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile », a-t-il ajouté.

«La situation à Nador n’est pas isolée. Elle est le reflet d’une crise plus large qui appelle à une mobilisation sérieuse et à des réformes profondes pour protéger les droits humains de ces populations vulnérables »

Saïd Haddad, président de l’association marocaine des droits humains (AMDH NADOR)

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Enfin, l’AMDH demande la fin des accords de réadmission conclus avec l’Europe ou d’autres pays africains. « Ces accords, notamment lorsqu’ils concernent les enfants migrants, vont à l’encontre des engagements internationaux du Maroc, comme la Convention internationale des droits de l’enfant », a-t-il souligné.

Pour conclure, il a insisté sur la nécessité d’une action urgente pour garantir la dignité et les droits des migrants. « La situation à Nador n’est pas isolée. Elle est le reflet d’une crise encore plus étendue, qui appelle à une mobilisation sérieuse et à des réformes profondes pour protéger les droits humains de ces populations vulnérables », conclu-t-il.


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